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Regards sur les soins à domicile en région éloignée

Regards sur les soins à domicile en région éloignée
Contrairement à ce que certains pourraient penser, les soins à domicile ne sont pas que des visites de courtoisiePhoto : Ground Picture – Shutterstock

Un témoignage de Dre Isabelle Massé, médecin de famille en Abitibi-Ouest

Dre Isabelle Massé, originaire de Mont-Laurier dans les Laurentides, est médecin de famille depuis maintenant près de 20 ans dans la magnifique région de l’Abitibi-Témiscamingue. Après ses études à l’Université de Montréal, Dre Massé a d’abord concentré sa pratique sur les soins aigus, à l’urgence et en hospitalisation, pour ensuite se tourner plus récemment vers la gériatrie, les soins de fin de vie et les soins à domicile (SAD). En plus de sa pratique médicale, elle s’est également impliquée comme directrice du GMF-U des Aurores Boréales pendant plusieurs années. Son amour de la région et sa passion pour la médecine de famille font d’elle une leader inspirante au sein de sa communauté. Nous avons donc eu la chance de rencontrer Dre Massé afin qu’elle nous partage ses expériences en soins à domicile, tout particulièrement en région éloignée! 

La médecine de famille : un choix évident
C’est d’abord son père, également médecin de famille, qui a suscité l’intérêt de Dre Massé pour cette belle spécialité, et ce, depuis un très jeune âge. Une fois ses études médicales entamées, ce fut au tour des stages SARROS dans sa ville natale de la charmer. Cette première exposition clinique à la pratique médicale en région aura certainement laissé sa marque, l’amenant à choisir la médecine de famille comme spécialité! Finalement, à la résidence, c’est un stage à La Sarre qui l’aura convaincue de s’établir en Abitibi-Ouest, où elle pratique depuis.

Pour Dre Massé, c’est la variété de champs de pratique qui rend la médecine de famille particulièrement attrayante. Comme elle nous l’a si bien dit : « en médecine de famille, on ne s’ennuie pas! » La possibilité de modifier sa pratique de manière à l’accorder à de nouveaux intérêts est un atout qui n’est certainement pas à négliger. Par ailleurs, l’accès plus limité aux spécialistes pour les patients en région, qui peut parfois représenter un certain défi, est aussi source de motivation pour Dre Massé. Les médecins de famille deviennent comme des « internistes de première ligne » selon elle. C’est ce qui permet de mobiliser un plus grand éventail de connaissances et de voir une plus grande variété de patients en région. Et en cas de doute, les spécialistes seront toujours à l’autre bout du fil!  

Une journée typique en soins à domicile, à saveur région !
Encore une fois, le mot d’ordre ici est variété. Bien que la majorité de ses visites concernent des patients gériatriques, Dre Massé y rencontre tout de même des personnes de tous les âges. Des jeunes vivant en situation d’handicap, des adultes atteints de maladies neurodégénératives ou des personnes en soins palliatifs, entre autres, font également partie de sa patientèle en SAD. Contrairement à ce que certains pourraient penser, les soins à domicile ne sont pas que des « visites de courtoisie ». En effet, lorsque Dre Massé se déplace chez les patients, c’est qu’ils ont une plainte qui nécessite d’être évaluée. Ces visites représentent également une excellente opportunité de rencontrer la famille de ses patients, d’évaluer le milieu de vie du patient et de faire de l’enseignement aux proches aidants. Couvrant tout le territoire de l’Abitibi-Ouest, Dre Massé et l’équipe de SAD doivent parcourir de grandes distances, parfois jusqu’à 200 km, mais généralement entre 75 et 100 km dans une journée. « C’est une belle occasion d’explorer la campagne et c’est relaxant » selon elle. La place importante qu’occupe la collaboration interprofessionnelle dans ce type de soin est aussi très stimulante et c’est un point fort de la pratique en soins à domicile d’après Dre Massé. Par contre, le manque de personnel stable, qui crée parfois des défis au niveau de la cohésion d’équipe, rend le tout plus complexe. « Par exemple, ça peut devenir plus difficile de reconnaître des signes de détérioration chez nos patients », nous a-t-elle souligné. Cependant, la reconnaissance qu’ont les patients et leur famille en vaut tous les efforts et c’est un privilège d’être accueillie chez eux puis de les voir évoluer dans leur milieu de vie. C’est sans doute une pratique des plus valorisantes!

Personnalité type d’un médecin en soins à domicile
Dre Massé admet que la pratique en SAD n’est pas pour tout le monde. Selon elle, il faut aimer la base de la médecine : c’est-à-dire qu’il faut aimer prendre soin des gens. Pour les personnes qui aiment avoir un grand débit de patients ou qui aiment être constamment en action, les SAD seront probablement un moins bon choix. À l’inverse, il faut plutôt aimer prendre son temps avec les patients et interagir avec leur famille, en plus d’être intéressé par beaucoup de spécialités médicales, comme la neurologie, la dermatologie et la médecine interne. Il faut finalement être créatif et faire preuve d’adaptation face aux différents contextes de vie qu’on peut rencontrer.

La place des SAD dans un système de santé fragile : pistes de solutions
Selon Dre Massé, les SAD représentent une ressource importante pour notre système de santé, mais ces derniers sont souvent sous-utilisés et sous-valorisés par les décideurs politiques et organisationnels. En effet, les soins à domicile permettent de prévenir plusieurs hospitalisations, de consultations à l’urgence et de relocalisations en RI ou CHSLD, en plus de permettre à plusieurs personnes de maintenir leur qualité de vie plus longtemps. Développer davantage les SAD éviterait donc potentiellement des coûts importants au système de santé. Toutefois, Dre Massé estime que les ressources financières attribuées à ce milieu sont actuellement insuffisantes, ce qui le rend difficilement attrayant pour les travailleurs de la santé. En somme, reconnaître l’importance des soins à domicile et augmenter la rémunération des professionnels, représentent des pistes de solutions afin de valoriser et développer ce type de pratique, essentiel à tant de patients.

La médecine en région : essayez et vous serez charmé!
Pour conclure, Dre Massé invite les personnes étudiantes et résidentes à tenter l’aventure de la médecine en région. Que ce soit par un stage SARROS, un stage d’externat ou même un stage de résidence, vous serez certainement épatés par la polyvalence, par l’autonomie et par la flexibilité qu’offre la pratique de la médecine de famille en région.

Nous remercions chaleureusement Dre Isabelle Massé pour son précieux temps, en espérant que notre article aura permis de démystifier un peu les mondes de la médecine en région et des soins à domicile!

Nicholas Beaulieu
Coprésident du GIMF-Saguenay

 

Anne-Marie Littlejohn
Coprésidente du GIMF-Saguenay

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