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Promouvoir de saines habitudes de vie avec Dre Nguyen

Promouvoir de saines habitudes de vie avec Dre Nguyen
Les médecins de famille jouent un rôle crucial dans l'intégration des prescriptions d'exercice dans leurs stratégies de soins aux patientsPhoto : Kuznetsov Dmitriy

Pendant nos études en médecine, nous nous faisons enseigner à répétition l’importance de valoriser de saines habitudes de vie chez nos patients, que ce soit au niveau de la diète, de l’exercice, du sommeil ou de la cessation tabagique. Ces mêmes habitudes sont également au cœur du plan de traitement de plusieurs maladies chroniques, prises en charge par les omnipraticiens.

Par souci de temps, il est tentant d’offrir des recommandations standardisées à nos patients : « Mangez en suivant la diète méditerranéenne, faites 150 minutes d’exercice physique d’intensité modérée par semaine, dormez 7-8 heures par jour et arrêtez de fumer! » Cependant, vous comprendrez bien que ces conseils ne s’adaptent pas à nos patients qui ont des réalités, des cultures et des traditions très différentes les unes des autres. Aborder ces sujets de manière sensible et offrir des conseils réalistes s’avèrent donc une tâche plutôt exigeante. 

Pour répondre à nos questions, nous avons rencontré Dre Doris Nguyen, médecin de famille accréditée en « Lifestyle Medicine », qui nous a parlé de sa formation et des méthodes fondées pour promouvoir de saines habitudes de vie chez ses patients. Nous nous pencherons davantage sur la promotion de l’exercice physique et sur comment faire des prescriptions d’exercice efficaces.

Tout d’abord, voici une brève introduction de Dre Nguyen et son choix de carrière: « Au cours de mes dernières années de pratique au sein d’un groupe de médecine familiale, j’ai constaté de mes propres yeux que plusieurs maladies découlaient de mauvaises habitudes de vie – un phénomène qui n’était surtout qu’une théorie pour moi lors de mes études. Et, à regret, j’avais l’impression que mon cursus académique ne m’avait pas préparé aux questions de mes patients sur le mode de vie et les habitudes. Je me suis alors donné l’objectif d’en apprendre davantage sur le sujet pour mieux servir mes patients. C’est dans cette optique que j’ai décidé de suivre le curriculum du American Board of Lifestyle Medicine (ABLM) qui comprend des cours théoriques et pratiques sur la médecine axée sur les habitudes de vie, un examen de synthèse ainsi qu’une publication d’étude. »

Dre Nguyen a mis une grande importance sur les techniques d’entrevue motivationnelle et certains concepts de thérapie cognitivo-comportementale qu’elle a consolidés lors de son accréditation. Ceux-ci sont efficaces pour instaurer un changement dans les comportements ancrés des patients. L’entrevue motivationnelle mise sur la collaboration entre le patient et le médecin. Le but est d’augmenter la motivation intrinsèque du patient en confrontant son ambivalence et en suscitant un discours axé sur le changement. Pour ce faire, le médecin peut explorer les désirs, les habiletés du patient et les facteurs facilitants, les raisons du changement, les conséquences du non-changement et les besoins du patient pour initier le changement. Poser des questions ouvertes, affirmer et résumer les propos rapportés par le patient font également partie de l’entrevue motivationnelle. Pour susciter un changement dans les habitudes de vie, il est fort utile d’établir des buts mesurables, atteignables et réalistes. (1)

Le rôle de l’exercice dans la gestion des maladies
Les médecins de famille jouent un rôle crucial dans l’intégration des prescriptions d’exercice dans leurs stratégies de soins aux patients. Plusieurs études ont démontré que la pratique régulière de l’exercice peut contribuer à la prévention de nombreuses maladies chroniques, y compris les maladies cardiovasculaires et certains types de cancer. En effet, l’exercice physique peut réduire la circulation de substances favorisant l’inflammation, augmenter la capacité d’utiliser l’oxygène, et induire des adaptations antiathérogènes dans la structure et la fonction vasculaire. De plus, l’exercice a un impact positif sur le système immunitaire, en améliorant la circulation sanguine et en stimulant les défenses immunitaires, contribuant ainsi à réduire le risque d’infections des voies respiratoires supérieures. Ainsi, l’exercice peut également être un outil efficace dans la gestion et la prévention des maladies chroniques.

Surmonter les obstacles à la prescription d’exercice 
Malgré les bienfaits connus de la prescription d’exercice, certains professionnels de la santé trouvent ce devoir difficile à accomplir, doutant souvent de leurs connaissances. Pourtant, certaines études montrent que même une heure supplémentaire d’éducation à l’exercice pouvait drastiquement augmenter les connaissances et la confiance des médecins dans la prescription d’exercice. (2) Cela suggère qu’une formation plus approfondie sur l’exercice dans le cursus des études en médecine pourrait améliorer davantage la capacité des médecins à prescrire de l’exercice de manière efficace. Cet avis est d’ailleurs partagé avec Dre Nguyen qui a récemment obtenu sa certification ABLM. Lors de notre entretien, elle souligne que cette éducation supplémentaire lui a permis de « solidifier [ses] connaissances surtout quant aux recommandations sur l’exercice et sur la nutrition fondées sur des études prouvées et récentes. » Dre Nguyen rappelle aussi qu’en tant que médecin de famille, son rôle principal dans cet enjeu demeure d’effectuer les meilleures recommandations, et que le travail d’équipe avec les nutritionnistes et les physiothérapeutes est complémentaire et crucial. 

Utilisation des ressources disponibles
Les médecins de famille peuvent prescrire des exercices spécifiques à leurs patients en utilisant une approche individualisée. Il existe entre autres l’approche « ABC » proposant une structure qui facilite la prescription d’exercice et son adhérence : A pour l’évaluation de l’activité physique, B pour l’intervention et, C pour le soutien continu, comprenant les ressources pédagogiques, les ateliers de formation pour les médecins et certaines directives pour des maladies spécifiques. (3)

D’autres ressources telles que l’initiative « Exercise is Medicine », un programme de santé mondial géré par les associations American College of Sports Medicine et American Medical Association, offre aux cliniciens des modèles et des algorithmes en ligne pour prescrire de l’exercice au personnes sédentaires et celles souffrant de diverses pathologies. 

Les études démontrent aussi que les médecins canadiens ayant suivi des ateliers sur l’exercice montrent une plus grande confiance dans la prescription d’exercice. (4) D’ailleurs, Dre Nguyen nous informe qu’après avoir suivi la formation ABLM, elle est parvenue à intégrer la promotion d’habitudes de vie saines dans sa pratique usuelle de façon plus cohérente : « Je vise maintenant à encourager un changement de mentalité et à responsabiliser les patients davantage. Plutôt que me comporter comme une enseignante, exigeant mes patients à faire ceci et cela, j’adopte une approche plus interactive. Je demande à mes patients ce qu’ils comprennent de leur maladie, ce qu’ils pensent de mes propositions thérapeutiques axées sur le changement d’habitudes de vie et ce qu’ils prévoient faire concrètement pour d’intégrer cette information. » 

En conclusion, promouvoir de saines habitudes de vie à ses patients peut sembler un jeu d’enfant à première vue, mais réussir à pousser ses patients à faire un réel changement dans leur routine est une tout autre paire de manches. L’approche médicale du médecin envers ses patients a énormément évolué avec le temps, passant de l’approche paternaliste à l’entrevue motivationnelle. L’entrevue avec Dre Nguyen illustre l’importance de comprendre ses patients et de s’ajuster à eux. La prescription de l’exercice nécessite une collaboration étroite entre le médecin et son patient. C’est un travail qui doit se faire de concert entre les différents partis, et dont le tout débute par l’approche du médecin omnipraticien.

Autrices et auteur
Syphax Brouri, Maia Michaud, Ariane Monticone, Rose Noël et Jenny Wang
GIMF Université McGill

Bibliographie

(1) Cole SA, Sannidhi D, Jadotte YT, Rozanski A. Using motivational interviewing and brief action planning for adopting and maintaining positive health behaviors. Prog Cardiovasc Dis. 2023 Mar-Apr; 77:86-94. doi: 10.1016/j.pcad.2023.02.003. Epub 2023 Feb 24. PMID: 36842453.

(2) Seth A. Exercise prescription: what does it mean for primary care? British Journal of General Practice [Internet]. 30 déc 2013; 64(618): 12‑3.

(3) O’Regan A, Pollock M, D’Sa S, Niranjan V. ABC of prescribing exercise as medicine: a narrative review of the experiences of general practitioners and patients. BMJ Open Sport & Exercise Medicine [Internet]. 1 juin 2021; 7(2) : e001050.

(4) Sprys-Tellner TJ, Levine D, Kagzi A. The Application of Exercise Prescription Education in Medical Training. Journal Of Medical Education and Curricular Development [Internet]. 1 janv 2023; 10.

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