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Recherche et médecine de famille, est-ce possible?

Recherche et médecine de famille, est-ce possible?
Certains mécanismes sont maintenant offerts afin de mieux soutenir les jeunes médecins qui accordent beaucoup d’importance à la recherche pour ne pas être pénalisés en choisissant cette voie en complément à la clinique.Photo : Shutterstock

Dre France Légaré
Dre France Légaré est une médecin de famille qui semble être en mesure de porter tous les chapeaux! Débutant son parcours universitaire en architecture, Dre Légaré est maintenant médecin de famille clinicienne au groupe de médecine familiale de Saint-François d’Assise. Elle détient une maîtrise en santé communautaire et un doctorat en santé des populations. De plus, elle occupe principalement le poste de chercheuse clinicienne au Centre de recherche en santé durable (VITAM) , mais collabore aussi avec le centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval. En outre, il est nécessaire de souligner son titre de professeure titulaire au département de médecine de famille et médecine d’urgence de l’Université Laval ainsi que celui de Chaire de recherche du Canada de niveau 1 sur la décision partagée et la mobilisation des connaissances. Grâce à son expérience, elle souhaite permettre à ses collègues présents et futurs de mieux connaître l’appartenance que peut avoir un médecin de famille dans l’univers de la recherche.

Domaine de recherche 
Pour plusieurs, le rôle que peuvent avoir les médecins de famille en recherche soulève un questionnement. Ayant un champ de compétence varié et interconnecté, il n’est pas rare pour un médecin de famille, qui participe au développement de la recherche, de travailler en collaboration avec diverses disciplines dont la sociologie, l’anthropologie ou encore l’économie de la santé. Par ailleurs, une implication significative dans les domaines de la recherche fondamentale est peu habituelle. Cela dit, Dre Légaré souligne qu’il est important de noter que le domaine de recherche épousé par un médecin de famille peut grandement s’imprégner des intérêts et des compétences de chacun. Par exemple, la qualité des soins a toujours été un sujet piquant sa curiosité. En ce sens, elle s’intéresse aux comportements cliniques des médecins, dont ceux associés à leurs habitudes de prescription. Après quoi, elle a poursuivi son parcours de recherche en se penchant sur l’adoption de lignes directrices par les médecins de famille pour ensuite s’interroger sur une vision plus globale des équipes de soins interprofessionnelles et l’implication des usagers dans les prises de décisions concernant leur santé. En ce sens, le transfert des connaissances, les bonnes pratiques et les façons de soutenir les usagers afin qu’ils puissent faire des choix éclairés en santé demeurent les sujets centraux de son travail.

Relation entre la clinique et la recherche
Selon Dre Légaré, le médecin de famille est au centre de l’action et possède le rôle « d’y voir clair », peu importe la nature de la raison de consultation. Ainsi, la diversité clinique à laquelle les médecins de famille sont exposés et leur bagage de connaissances diversifiées constituent une très grande richesse et un avantage certain pour ceux pratiquant conjointement en clinique et en recherche, car elle permet de mieux comprendre « l’ensemble de l’expérience humaine ». Par exemple, en travaillant avec la totalité des patientèles, un médecin de famille est en mesure de mieux comprendre les trajectoires de soins et de vie des patients. Aussi, la clinique représente un avantage pour la recherche en permettant d’avoir un accès direct avec les usagers ainsi que les autres professionnels de la santé et des services sociaux. En toute transparence, certaines barrières sont aussi présentes. Par exemple, l’intensité et la grande charge de travail du parcours de résidence en médecine familiale ne permettent pas d’y inclure des fondements avancés en recherche. Alors, il est nécessaire d’y pallier en y ajoutant des formations ou des opportunités d’apprentissage spécifiques à la recherche. Par exemple, une troisième année de clinicien érudit est possible. Aussi, il peut être plus difficile pour ces médecins d’avoir accès à l’infrastructure de recherche nécessaire. Cependant, Dre Légaré met l’accent sur le fait que cette trajectoire tend à changer notamment avec les organismes subventionnaires et les grandes institutions de santé et services sociaux.

Conciliation clinique/recherche
La partage du temps de travail entre la clinique et la recherche peut être source de mystère. Dre Légaré souligne que le temps consacré à la recherche, comparativement à la clinique, peut grandement varier en fonction des objectifs et des intérêts de chacun ainsi que du profil de recherche désiré. Par exemple, un résident voulant accorder 50 % de son temps à la recherche, lorsqu’il sera médecin de famille, pourrait y parvenir en suivant un cheminement particulier. Le seuil de 50 % équivaut à un profil de chercheur clinicien pour le Fonds de recherche du Québec-Santé (FRQS). De plus, certains mécanismes sont maintenant offerts afin de mieux soutenir les jeunes médecins qui accordent beaucoup d’importance à la recherche pour ne pas être pénalisés en choisissant cette voie en complément à la clinique. Cependant, selon Dre Légaré, il est aussi important pour ces médecins d’apprendre à prioriser leurs champs d’intérêt cliniques favoris afin de garder des projets réalistes. Par exemple, il pourrait être ardu de combiner de l’hospitalisation, de l’urgence, du suivi de patientèle et de la clinique de sans-rendez-vous en plus du temps de recherche. De plus, comme les cliniciens chercheurs sont souvent impliqués dans l’enseignement universitaire, le temps dévolu aux tâches cliniques doit aussi être pris en compte. Par conséquent, des choix difficiles sont nécessaires.

Parcours (étudiants) 
Pour plusieurs, la façon de s’initier à cet univers demeure une importante préoccupation. D’abord, selon Dre Légaré, l’aspect principal d’un individu qui souhaite suivre ses traces est une grande curiosité scientifique. Ensuite, bien que les parcours possibles soient nombreux, elle révèle que commencer par le chemin de la médecine de famille pour ensuite se former aux outils de la recherche semble être une façon optimale de procéder selon la littérature sur le sujet[1]. Aussi, elle met l’accent sur le fait que s’intégrer à la recherche peut être fait à tout moment du parcours. En ce sens, il peut être bénéfique pour un étudiant avec ces intérêts d’occuper un rôle mineur dans certains projets de recherche tout en poursuivant son parcours, car ceci lui permettra de mieux cibler ses objectifs futurs et développer une image de ce champ de pratique plus fidèle à la réalité.

Conseils pour les étudiants 
Selon Dre Légaré, si le sujet pique votre curiosité, la meilleure façon de faire ses débuts en recherche est de s’intégrer à celle-ci. Par exemple, les stages d’été peuvent être une très bonne façon de rencontrer des chercheurs qui pourront servir de mentors dans le processus. Ceux-ci offrent aussi l’occasion d’apprendre à découvrir plusieurs types de milieux et de recherche. Il est donc préférable de concentrer ses efforts sur ce qui nourrit le plus sa curiosité ainsi que dans quelle branche.

Pourquoi la recherche?
Sans équivoque, Dre Légaré attribue son choix de parcours à sa grande curiosité scientifique et à son amour pour l’apprentissage continu. Désignant la possibilité d’apprendre comme un cadeau précieux de la vie, elle considère qu’attribuer une partie de son temps professionnel à la recherche lui permet d’assouvir son besoin de continuellement agrandir ses horizons de connaissances. De plus, elle possède une grande estime pour le domaine de la recherche. Bien qu’ardus, elle affectionne ses aspects enrichissants, nourrissants et gratifiants. Elle apprécie aussi la formation de la relève qui est un aspect indissociable à celui-ci. Évidemment, elle mentionne que la façon de répondre à ces besoins est propre à chacun et que les différentes méthodes sont aussi uniques et variées que les individus en soi.

Une vision sur l’avenir 
Bien qu’elle considère qu’il y a eu un certain « âge d’or » pour la recherche en médecine familiale dans les années 90 (elle rappelle qu’il existait une journée annuelle de la recherche en médecine familiale à cette époque et les quatre départements de médecine familiale y étaient bien représentés), elle demeure optimiste à une recrudescence dans les années à venir et, en fait, à un enrichissement dans le domaine de la recherche en soins de première ligne. En effet, plusieurs outils maintenant en place, tels que la lettre d’entente 250, les postes hors PREM ou encore une plus grande sensibilité provenant de certains centres de médecine de famille permettent de poser un œil confiant sur le développement de ce type de carrière. Cependant, selon elle, le développement d’un fort leadership provenant des grandes associations médicales demeure un élément avec un fort potentiel d’impact positif sur l’évolution de la carrière du médecin de famille clinicien chercheur. Ceci pourrait soutenir la promotion et le développement de la recherche chez les médecins de famille, et ce, pour le bien de la population.

[1] « Il est temps de créer un programme clinicien-érudit profil recherche »
Marie-Dominique Beaulieu, Roland Grad, France Légaré et Matthieu Touchette
Canadian Family Physician, July 2023, 69 (7) 456-458

À PROPOS DE L’AUTEUR

Joé Lantagne
Université Laval, promotion 2026
Coprésident du GIMF de l’Université Laval

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