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Les omnipraticiennes

Les omnipraticiennes
Malgré les nombreux avantages que peut apporter la féminisation de la médecine familiale, une multitude d’inégalités sont encore présentes à ce jour entre les omnipraticiens et omnipraticiennes.

Le monde de la médecine a longtemps été exclusivement masculin. C’est en 1903 qu’une première femme médecin, Dre Irma Levasseur, obtient son droit de pratique sur le territoire québécois après une requête à l’Assemblée législative[1]. Aujourd’hui, la situation est complètement renversée et le Collège des médecins compte une totalité de 54,7 % de membres actifs féminins, toutes spécialités confondues, ce qui démontre la féminisation du domaine médical[2]. De plus, les cohortes universitaires en médecine sont de plus en plus occupées par de jeunes femmes. En médecine familiale, la tendance est la même. Cette féminisation apporte de nombreux avantages concernant la prise en charge des patients. Cependant, les omnipraticiennes affrontent encore aujourd’hui, en 2023, des défis quotidiens dans leur pratique que leurs confrères masculins ne connaissent peu ou pas du tout. Des solutions à court et long terme existent dans le but de diminuer ces écarts de pratique.

Le travail du médecin de famille est de, bien sûr, prendre en charge la santé globale de tous ses patients. Pour bien analyser les différentes pathologies que peuvent présenter ceux-ci, l’omnipraticien doit faire preuve d’une écoute très attentive et ce dernier doit s’assurer que tous les aspects biopsychosociaux de la personne sont pris en compte pour établir une prise en charge optimale. Comme mentionné dans l’étude, Les femmes en médecine de famille et les 5 premières années de pratique[3], il a été prouvé que les omnipraticiennes ont davantage une approche centrée sur le patient, qu’elles passent plus de temps avec chacun de ceux-ci et qu’elles abordent un plus grand nombre de questions lors d’une entrevue médicale que leurs collègues masculins3. De plus, les femmes médecins de famille démontrent plus d’empathie, font davantage de prévention auprès de leurs patients et s’attardent plus aux aspects psychosociaux entourant la plainte médicale abordée3. Tous ces éléments sont associés à une meilleure observance au traitement et à une plus grande satisfaction ressentie par les patients concernant les soins reçus3.

Malgré les nombreux avantages que peut apporter la féminisation de la médecine familiale, une multitude d’inégalités sont encore présentes à ce jour entre les omnipraticiens et omnipraticiennes. En ce qui a trait à la santé mentale, un sondage national sur la santé des médecins créé par l’Association médicale canadienne a démontré, en 2017, un nombre plus élevé de femmes que d’hommes médecins de famille présentant un épuisement professionnel, une dépression ou encore des idées suicidaires[4]. Ces répercussions négatives sur la santé mentale des omnipraticiennes peuvent s’expliquer par l’expérience répétitive de préjugés implicites et explicites ainsi que par le harcèlement vécu par celles-ci dans leur milieu de travail3. Également, le sentiment de devoir en faire davantage que leurs collègues hommes pour obtenir la même reconnaissance dans le domaine médical peut contribuer à l’épuisement professionnel chez ces femmes. De plus, le même sondage a ressorti une insatisfaction de la part des femmes médecins de famille quant aux inégalités salariales existant entre elles et leurs collègues masculins. En effet, les femmes gagnent moins que les hommes, même en considérant d’autres aspects importants, comme l’âge, la spécialité médicale et le nombre d’heures travaillées3. Leur salaire est influencé par un système de rémunération qui favorise la quantité à la qualité et par des obligations familiales qui leur demandent un plus grand effort de conciliation3. Pour terminer, plusieurs déplorent le manque de femmes occupant des postes de direction et des postes destinés au soutien de carrière3.

Des solutions systémiques et individuelles existent afin d’accompagner les femmes médecins de famille dans leur vie professionnelle et leur conciliation travail-famille. En effet, pour ce qui est des solutions à plus grande échelle, Bogler et al. proposent la tenue de formations informelles obligatoires pour tous les médecins sur les préjugés implicites, l’établissement de politiques concernant les horaires de travail et l’accessibilité des congés parentaux et l’encouragement des recherches sur les causes d’inégalités entre les hommes et les femmes en milieu médical (2019). En ce qui a trait aux solutions sur le plan individuel, les autrices encouragent le soutien entre pairs, l’établissement de limites claires, une bonne gestion du temps et une communication ouverte avec les collègues et les gestionnaires concernant les attentes concernant leur pratique3.

Bien évidemment, la femme n’est pas la seule actrice du domaine médical. Les collègues hommes médecins sont essentiels et apportent d’autres avantages à la pratique, comme la prise en charge d’un débit plus élevé de patients et une approche plus objective. Bien sûr, chaque médecin est différent et son identité de genre ne définit pas l’omnipraticien qu’il est. Cependant, dans un monde où la femme éprouve encore des difficultés à faire sa place et à obtenir les mêmes avantages que l’homme, il est important de militer en faveur de celles-ci et d’aborder les avantages qu’apporte leur présence dans le monde médical.

     


[1] Gouvernement du Canada. (2017). Personnage historique national de la Dre Irma LeVasseur (1877-1964). Gouvernement du Canada. Consulté le 8 avril 2023.

[2] Collège des médecins du Québec. (2023). Médecins actifs seulement, répartition générale. Collège des médecins du Québec. Consulté le 8 avril 2023.

[3] Bogler, T., Lazare, K., & Rambihar, V. (2019). Les femmes en médecine de famille et les 5 premières années de pratique: En quête d’égalité de genre, d’équilibre travail-vie personnelle et de bien-être. Le Médecin de famille canadien, 65(8), e372–e375.

[4] Association médicale canadienne. (2018). Sondage national de l’Association médicale canadienne sur la santé des médecins : un instantané national. Association médicale canadienne. 

Marie-Pyer Lavoie
Université Laval, promotion 2025
Coprésidente GIMF Université Laval

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