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« Bonjour docteur; bienvenue chez moi! »

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En pratique de soins à domicile, on retrouve une interdisciplinarité en premier plan. Des infirmiers, inhalothérapeutes, travailleurs sociaux, nutritionnistes, ergothérapeutes, physiothérapeutes et médecins s’unissent pour assurer le meilleur suivi des patients.Photo : Shutterstock

La première fois qu’on m’a parlé de médecine à domicile, la seule image que j’ai eu en tête est le cliché que l’on voit dans les films. Le médecin arrive à la maison du patient avec son petit sac contenant tout ce dont il a besoin alors qu’il a été appelé en urgence puisque l’état d’un des personnages se détériore à vue d’œil. En fait, c’est une image qui ne déroge pas complètement de la réalité. Dans les années 40, la majorité des médecins pratiquait à domicile, mais l’arrivée des hôpitaux et des cliniques a modifié la pratique courante [1]. Au Québec notamment, le vieillissement de la population réanime ce besoin de soutien à domicile. En 2020 seulement, « 370 000 personnes ont eu accès à des soins à domicile […] alors qu’environ 1,5 million de personnes âgées de 65 ans et plus vivront au Québec dans 10 ans. » [2]

Dre Émilie Boudon est médecin de famille dans la région des Laurentides. J’ai eu la chance de m’entretenir avec elle afin d’en apprendre davantage sur sa pratique en soins à domicile.

Dre Boudon a découvert la pratique en soins à domicile lors de sa résidence à Québec au GMF-U de la Haute-Ville plus précisément au CLSC des Rivières. En fait, c’est une option de pratique offerte seulement en CLSC tout dépendamment du milieu de résidence,et l’exposition clinique varie conséquemment. Ce ne sont pas tous les résidents qui ont la chance d’y être exposés. D’ailleurs, elle a choisi de concentrer sa pratique uniquement en CLSC par la suite. La pratique en soins à domicile l’a charmée notamment en raison de sa grande patientèle gériatrique pour laquelle elle a une affinité.

De plus, le travail en multidisciplinarité mis de l’avant ainsi que la grande collaboration avec la famille du patient permettant une vision holistique de celui-ci rejoignent ses intérêts. En pratique de soins à domicile, on retrouve une interdisciplinarité en premier plan. Des infirmiers, inhalothérapeutes, travailleurs sociaux, nutritionnistes, ergothérapeutes, physiothérapeutes et médecins s’unissent pour assurer le meilleur suivi des patients. Parfois, mais très rarement, des rencontres multidisciplinaires ont lieu pour établir un plan d’action afin d’avoir une ligne directrice pour le patient dont le cas est complexe. La pandémie a modifié cet aspect de la pratique aussi : le temps manque et il est parfois difficile de mobiliser autant d’intervenants ayant tous et chacun un horaire complexe et chargé. Les rencontres ne sont pas nécessaires pour tous les cas; c’est occasionnel.

La famille joue aussi un rôle primordial : elle fait partie de l’équipe à part entière. Dépendamment des pathologies rencontrées, les proches sont parfois le contact exclusif puisqu’ils font le pont avec le patient pour expliquer le plan de soins, comme dans le cas de certains troubles cognitifs. Ce contact privilégié avec le patient nécessitant un suivi plus régulier permet aussi une grande proximité. Dre Boudon explique avoir perçu un impact important pour le patient; le service de soins à domicile leurs permet de demeurer dans leur chez-soi plutôt que d’être relocalisés en CHSLD par exemple.

La journée typique d’un médecin en soins à domicile dépend de sa pratique : plutôt mixte avec du bureau par exemple ou une pratique pure en soins à domicile. Pour sa part, Dre Boudon a une pratique mixte pour le moment : elle a des visites en soins à domicile parfois en fin de journée après les suivis en bureau. En fait, elle m’expliquait que beaucoup de travail se fait par les autres intervenants (infirmiers, ergothérapeutes, etc.) et qu’il n’est pas toujours nécessaire de se déplacer. Les appels téléphoniques suffisent parfois. Sinon, l’infirmière peut évaluer le patient ou prendre des photos pour aider le médecin à comprendre un cas. Tout dépend de l’organisation des équipes. Un territoire de soins à domicile est attribué au CLSC et on est amené à visiter des milieux très variés : de cossu à défavorisé. On est ainsi confronté à des réalités de patients diversifiées : on visualise leur milieu de vie, les défis, les limites pour aider à adapter l’offre de soins. Les besoins des patients s’étendent du soin palliatif aux pathologies chroniques, jusqu’à la perte d’autonomie.

La patientèle est différente de celle suivie en clinique. On rencontre plus souvent des patients gériatriques, des patients atteints de maladie chronique avec perte d’autonomie, une mobilité réduite ou bien des troubles cognitifs. On côtoie également des patients suivis pour soins palliatifs et même de jeunes patients avec des troubles neurodégénératifs comme la sclérose en plaque. Un triage se fait au niveau des requêtes de soins à domicile et évidemment la perte d’autonomie fait partie des critères, car le patient n’est pas en mesure de se déplacer aussi facilement par soi-même vers une clinique.

La pandémie mondiale dans laquelle nous vivons présentement aura mis à l’épreuve nos capacités d’adaptation à tous. Le télétravail, la télé-école, la télémédecine… Mais qu’en est-il de la pratique en soins à domicile? Évidemment, les visites non essentielles ont été évitées autant que possible, tout comme en suivi de bureau. Le travail en interdisciplinarité prend encore plus d’importance, puisqu’on ne veut pas dédoubler l’évaluation en présentiel. Évidemment, Dre Boudon m’explique qu’il y a de nouvelles contraintes pour la prévention de la transmission. Par exemple, on favorise l’utilisation du matériel que certains patients ont déjà chez eux (tensiomètre, thermomètre, etc.). C’est un processus de protection plus laborieux. Conséquemment, le nombre de visites dans un après-midi est réduit, car il faut compter plus de temps pour la désinfection. Pour des médecins ayant une pratique mixte comme celle d Dre Boudon, la charge de travail en bureau s’est vue augmentée avec l’arrivée de la COVID-19 et on réduit ainsi le nombre de demi-journées en soins à domicile.

La pratique en soins à domicile est peu connue chez les jeunes étudiants qui m’entourent, mais je crois qu’elle mérite une plus grande exposition chez ces derniers. Certains pourraient découvrir une pratique unique répondant à un besoin grandissant au Québec : les soins offerts aux aînés.

Myriam Pelletier,
Université Laval, promotion 2024
Co-présidente du GIMF de l’Université Laval.

[1] HERRITT, Brent J. « The House Call: Past, Present and Future » dans University of Toronto Medical Journal, volume 89, no.3, mai 2012,  [https://www.utmj.org/index.php/UTMJ/article/download/371/344], (9 mars 2021)

[2] FERAH, Mayssa. « Québec ajoute 100 millions pour les soins à domicile » dans La Presse, 15 novembre 2020,  [https://www.lapresse.ca/actualites/sante/2020-11-15/quebec-ajoute-100-millions-pour-les-soins-a-domicile.php], (9 mars 2021).

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