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Visiter le Québec grâce à la médecine familiale

Visiter le Québec grâce à la médecine familiale

Avant mon entrée en médecine, à l’Université Laval, j’avais beaucoup voyagé. Que ce soit avec l’école, pour faire du travail communautaire ou pour me ressourcer, j’ai toujours eu ce besoin de m’évader et de partir à la découverte des autres cultures. Je suis passée par les oliveraies espagnoles, les plages mexicaines, les iles indonésiennes et les Andes chiliennes. J’ai parcouru les gratte-ciels des grandes métropoles comme les charmants villages isolés avant de commencer mes études médicales. Depuis deux ans, je ne suis plus sortie du pays, mais j’ai tout autant voyagé. Depuis deux ans, je découvre le Québec!

Je viens de Gracefield, un petit village de 2500 habitants au nord de l’Outaouais. C’est une région de plein air, de randonnée, de ski de fond et de sports nautiques. Je suis une habituée des petites communautés où tout le monde se connait et où on jase de trucs de pêche entre deux consultations. Ma tournée de la province a débuté par la belle et grande ville de Québec, où je me suis installée pour faire mes études en médecine. J’y ai découvert l’histoire de la capitale et de la province, la proximité du fleuve, la vie culturelle propre aux grandes villes et les bars de la Grande Allée! C’est aussi là que j’ai découvert l’effervescence du milieu universitaire, un bouillonnement d’évènements artistiques, sportifs et culturels que je n’avais jamais connu dans mon petit coin de l’Outaouais. Je peux dans une même soirée aller au cinéma, déguster des plats des quatre coins du monde et relaxer dans le café au coin de ma rue.

J’avais peine à croire que j’étais encore au Québec quand je croisais de jeunes Inuit en train de jouer tard le soir alors qu’il faisait encore clair, des aurores boréales défilant en rubans verts et roses ou bien deux ainés parlant en inuktitut devant moi à l’épicerie.

À la fin de ma première année d’études, j’ai appliqué pour un stage culturel en milieu autochtone. Vous n’imaginez pas mon bonheur quand j’ai été choisie pour partir quatre semaines à Salluit, au Nunavik. C’est loin, le Nunavik : 9 heures de vol dans un avion minuscule, mais on y sert de la délicieuse bannik en collation! Sur place, j’ai travaillé avec deux jeunes médecins de famille à l’urgence et en bureau. Là-bas, aucun spécialiste ne prend la relève pour les cas complexes ou la santé mentale, les médecins de famille sont polyvalents et débrouillards. Le personnel du centre de santé doit faire preuve d’une grande compétence culturelle quand vient le temps d’interagir avec les Inuit*, qui ont leur propre culture, leur propre langue et leurs propres problématiques sociales. Malgré les difficultés que vivent les Inuit, j’ai découvert chez eux un grand calme et une grande résilience. Pendant un mois, j’ai vécu au sein d’une culture complètement différente, qui m’a confrontée par moments, mais qui m’a aussi appris à lâcher prise et à faire confiance à la nature.

Parlant de nature, je n’avais jamais rien vu d’aussi dépaysant que la toundra nordique. Les grandes vallées de lichen et d’arbustes microscopiques côtoyant la côte de la baie d’Hudson sont à couper le souffle. J’avais peine à croire que j’étais encore au Québec quand je croisais de jeunes Inuit en train de jouer tard le soir alors qu’il faisait encore clair, des aurores boréales défilant en rubans verts et roses ou bien deux ainés parlant en inuktitut devant moi à l’épicerie. Plus tristement, j’avais peine à croire que j’étais encore au Québec quand je voyais le peu de ressources offertes en santé mentale et en réadaptation, alors que les besoins sont criants, quand j’ai rencontré mon premier cas de tuberculose, quand j’ai réalisé la précarité et le surpeuplement des habitations. Ce stage m’a fait réaliser que le Québec est grand, que ses paysages sont aussi magnifiques que diversifiés, que les peuples autochtones, métis et inuit sont bien présents, qu’ils sont remplis de grandes forces et d’autant de défis et qu’en tant que professionnel de la santé, nous devons adapter notre pratique pour mieux tenir compte de leur réalité.

Une autre année en médecine a passé. J’ai voyagé à travers les conférences que plusieurs omnipraticiens sont venus présenter, notamment sur la médecine humanitaire, la pédiatrie sociale et la médecine en avion-ambulance. Juillet venu, plusieurs de mes amis partaient faire leur stage international et interculturel partout sur la planète. Pour ma part, j’ai décidé de rester au Québec un été de plus. Je suis partie à la découverte de la Gaspésie tandis que j’effectuais un stage d’observation au centre hospitalier de Maria, dans la Baie-des-Chaleurs. J’ai été merveilleusement bien accueillie par les médecins des urgences, de l’étage d’hospitalisation et par les résidents en médecine familiale qui complètent leur formation dans l’UMF, associée à l’Université de Montréal. Les patients me l’ont dit : ils apprécient le côté humain que les soins de ce petit centre hospitalier offrent et la proximité qu’ils peuvent développer avec leur médecin de famille. Tous se réjouissent de voir de futurs médecins s’intéresser à leur communauté.

Entre mer et montagne, l’offre d’activités de plein air de la Gaspésie m’a séduite encore une fois. J’ai été surprise de la panoplie de sorties culturelles proposées. En un mois, j’ai assisté à trois spectacles de musique, un vernissage d’art, une représentation de danse, visité trois musées et un jardin collectif, puis je me suis délectée dans une microbrasserie. Dans cette région tellement éloignée, les gens sont accueillants et se rassemblent autour des artisans locaux et des projets communautaires.

Je retourne en ville pour l’automne. La nature va me manquer, c’est certain, mais j’ai hâte de retrouver mon réseau social et la multitude de projets qui m’attend. Dès mon entrée à l’université, je savais que la médecine familiale était faite pour moi. Je désirais une spécialité qui me permettrait d’établir une relation de confiance et de proximité avec mes patients. Les choses n’ont pas changé : j’ai toujours envie d’une pratique diversifiée et autonome. J’ai envie de découvrir les cultures, les accents et les coutumes qui rendent notre coin de pays si riche.  Mes stages en médecine familiale m’ont fait découvrir le Québec comme je ne l’avais jamais vu, à travers des immersions culturelles et communautaires totales. Plus j’évolue dans mes études, plus je réalise que pratiquer la médecine familiale offrira de la versatilité et de la mobilité à la femme nomade et curieuse que je suis.

* Bien que la plupart des ouvrages de référence recommandent d’utiliser les formes plurielles « inuit(e)s » et « Inuit(e)s », surtout pour des raisons de simplicité et d’uniformité, j’ai préféré garder « inuit/Inuit » par respect pour la culture locale (en inuktitut, Inuk = une personne, Inuit = des personnes).


Pascale Laveault-Allard,
Étudiante en 3e année, Université Laval

 

 

* Cet article a été corrigé selon l’orthographe rectifiée de 1990 (aussi appelée « nouvelle orthographe recommandée »).

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