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Lorsque la relation est une œuvre d’art

Lorsque la relation est une œuvre d’art

Ce n’est pas le genre de livre qu’on peut trouver en ligne au format numérique. Autant à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) qu’à la Bibliothèque de la santé de l’Université de Montréal, il n’est disponible que sur demande. La première édition date de 1974, la deuxième de 1979.

La Dre Christiane Laberge, qui a gracieusement accepté de se prêter au jeu de l’entrevue pour nous parler de l’essai La consultation : le dialogue médecin-malade de Norbert Bensaïd, l’a découvert quelque part entre les deux. Elle était à l’époque – en 1977 – en début de pratique, tout juste graduée de l’UdeM. Un collègue et mentor de quelques années de plus qu’elle, et dont elle avait été la stagiaire en Abitibi, le lui avait recommandé. Le livre lui « a vraiment parlé ». De sorte que 40 ans plus tard, elle peut encore raconter clairement le récit qui orne sa première page sous forme d’exergue, entre la dédicace et la préface, et qui vaut la peine d’être recopié tel quel (pour départager les extraits du livre des réponses de Dre Laberge, ici comme dans tout l’article, l’italique indiquera une citation du livre) : « Une nuit. Un homme, seul, tourne autour d’un réverbère. Un autre s’approche : ‘‘Vous avez perdu quelque chose?’’ – ‘‘Oui, répond le premier, mes clefs.’’ Et ils cherchent ensemble. Au bout d’un moment, le second : ‘‘Vos clefs, vous êtes sûr de les avoir perdues ici? – ‘‘Non, là-bas, mais là-bas on n’y voit rien.’’ »

Cette explication sous forme de conte comique, la Dre Laberge l’utilise pour raconter sa méthode de travail privilégiée: « Je me suis toujours vue comme une détective, et je trouvais que ça illustrait très bien cette approche-là. Des fois, je dis que je m’appelle Colombine, la copine de Columbo, parce que j’ai toujours vu ma tâche comme étant d’aider les patients à découvrir eux-mêmes, à faire des liens. » Elle raconte l’histoire d’une découverte médicale qui s’est faite main dans la main avec une patiente, toutes deux remontant en même temps le fil des indices menant au diagnostic. « Dans ce temps-là, tu as juste le gout de te faire un gros high five et de dire : ‘‘On va essayer ça.’’ Ce sont ces petites victoires-là qui t’alimentent. C’est ça qui bâtit, finalement, quand tu regardes après 40 ans le chemin parcouru avec tes patients. » Cette joie de construire dans la durée, cette projection à long terme qui fait le vrai amour – autant personnel que médical –, on en sent la fibre dans chacune des anecdotes dont l’interviewée parsème ses réponses : « Tu as eu un bébé, il est tombé dans la dope solide, aujourd’hui il est papa ou maman; il y a eu une fille qui est partie sur la rumba, qui est devenue prostituée et recherchée par la police, et aujourd’hui c’est la meilleure mère de famille… Tu te dis : ‘‘Réalises-tu tout le chemin qu’on a parcouru?’’ Et je me dis que c’est dans le chemin qu’est le plaisir. »

On comprend facilement le lien qui s’est créé entre le vieux généraliste Bensaïd et la jeune omnipraticienne (les changements d’époque et de continent ont aussi changé le nom de la pratique) à la lecture de ce texte. L’auteur, disant que la spécificité de la médecine générale, « qui est chaque jour vécue par les malades et par les médecins, ne se manifeste nulle part ailleurs que dans cette expérience quotidienne », choisit donc un style littéraire approprié pour la présenter : à travers 16 patients, tous rencontrés au cours du même après-midi, il fera comprendre ce qu’il y a d’unique et d’essentiel dans la consultation. Il montrera ce qui se passe dans le dialogue et qui ne passerait par aucun autre moyen. Lui parle de « médecin-malade », on dirait aujourd’hui « médecin-patient », mais peu importe au fond : l’essentiel est dans le trait d’union entre les deux, dans le lien qui les met en contact, dans cette relation créée, entretenue, brisée, renouvelée, en un mot en perpétuelle transformation. Ce à quoi on assiste, par le témoignage d’un médecin-écrivain qui a heureusement assumé sa deuxième vocation, c’est à l’élévation de cette relation à la hauteur d’une œuvre d’art. De quoi rallumer le feu sacré des futurs médecins de famille – ou en convaincre de s’orienter dans cette direction.

Un conseil pour la postérité dans la poursuite du combat pour la survie de l’omnipratique? « Ça va dépendre de la capacité de la relève à regarder le patient dans sa totalité. » –Dre Christiane Laberge

La préface commence fort : « Ce livre répond à une nécessité urgente : la médecine générale est en train de disparaitre. ». Quarante ans plus tard, elle survit encore. Peut-on penser que le déclin est réel et continuel? Même si la tentation est forte de pointer le Dr Barrette, il ne peut être désigné comme seul responsable d’une tendance historique transmillénaire. Même si sa « campagne de mépris » envers les omnipraticiens, telle que la décrit la Dre Laberge, pourrait bien être la continuation par d’autres moyens de ce que l’auteur traitait en 1974 comme de la « dévalorisation économique et sociale qui place le généraliste au dernier rang de la hiérarchie médicale ». Car les autres arguments qu’il évoque ne peuvent être balayés du revers de la main : « la formation des étudiants qui vise à n’en faire que des techniciens étroits », « la complexité croissante de la science médicale », « l’impossibilité de tout savoir… » Est-il possible d’éviter cette disparition? « Je pense que c’est évitable, oui. Mais on ne peut pas créer de relations basées sur des rencontres de 8 minutes. On ne peut pas éteindre des feux tout le temps sans savoir comment s’allument les feux. »

Un conseil pour la postérité dans la poursuite du combat pour la survie de l’omnipratique? « Ça va dépendre de la capacité de la relève à regarder le patient dans sa totalité. » Si elle parle de la relève, c’est parce que la Dre Laberge lui passera bientôt le flambeau. Après une carrière en médecine de famille avec une tendance marquée pour la pédiatrie, une pratique en urgence pédiatrique à HMR pendant ses 10 premières années en médecine, du travail en CLSC et en bureau en santé maternelle et infantile, une clinique innovatrice de TDAH fondée en 2000 (à une époque où les psychiatres étaient encore les seuls à jongler avec ce diagnostic et son traitement), qui s’étendait dans 5 écoles et faisait collaborer étroitement médecins, psychoéducateurs, psychologues, directeurs, parents et enfin les enfants eux-mêmes – après toutes ces étapes donc, elle a quitté le CLSC en septembre 2016 et arrêtera la consultation individuelle en cabinet dans 2 ans. Elle continuera peut-être alors son travail de communicatrice à propos de divers sujets de santé, elle qui contribue depuis 20 ans à plusieurs médias montréalais : télé avec Marina Orsini à Radio-Canada, émissions de radio du réseau Cogeco à travers le Québec, etc.

C’est donc un médecin au sommet de son art, et qui en connait un rayon sur ce qui fait l’unicité de la relation médicale, qui nous en parle à travers sa lecture de jeunesse. Ce que je tiens à faire en premier, c’est à lui demander d’établir ce qu’elle considère comme la différence principale avec les autres pratiques professionnelles. Autrement, si on n’insistait pas sur ce qui concerne en propre le médecin, mais qui touche aussi l’avocat, le notaire, le comptable, le planificateur financier, le coach de vie – et toutes autres professions « de conseil » de plus en plus nombreuses –, on se contenterait de parler du professionnalisme en soi, mais pas de la médecine en tant que telle. La Dre Laberge n’hésite pas : « Tu crées une relation où tu as le droit, le privilège de rentrer dans l’intimité partout où tu veux aller, partout où tu juges que c’est pertinent. C’est rare, les professionnels qui n’ont aucune limite. On fait affaire avec une personne dans son entièreté, dans son intégrité la plus complète, tant au niveau physique que psychique, spirituel et culturel. C’est un méchant privilège, qui peut être utilisé à bon escient, qui peut aussi avoir ses travers qui nous bloquent la vue. Il faut toujours qu’on arrive à prendre suffisamment de recul pour comprendre et analyser, par contre il faut rentrer assez profondément dans tous ces aspects-là pour être capable de s’en imprégner. »

Mais cette relation ne se déroule pas seulement dans le pur échange entre deux personnes assises dans un cabinet. Elle a tout autant lieu dans la distance entre l’une et l’autre, l’attente – dont les délais font si souvent la manchette des journaux quand vient le temps d’évaluer la qualité des soins – ou carrément l’absence. Norbert Bensaïd laisse sa plume flâner dans ces subtilités extramédicales… comme pour mieux nous rappeler qu’au fond, rien n’est vraiment extramédical. « Je me rappelle entre autres de la réaction du docteur quand un patient ne se présente pas à son rendez-vous, et toute cette réflexion à savoir : ‘‘Est-ce qu’il m’aime encore, est-ce qu’il est fâché?’’, j’avais trouvé ça intéressant! » Situation qu’elle-même gère dans sa pratique d’une façon originale. Au premier rendez-vous manqué sans justification acceptable, les patients sont avertis qu’ils ont droit à une autre chance. « Si ça se produit une autre fois, je conclurai qu’on ne peut pas avoir une relation de confiance. » Encore une fois l’importance du lien, et de la confiance mutuelle qui en est la base. « Sans aucune colère ni rien du tout. » Comme dans toute relation, le patient pose ses conditions, le médecin aussi.

Et au-delà de la présence et de l’absence, c’est toute l’organisation de la rencontre qui fait partie de la relation. Jusqu’à la gestion de dossier, le travail avec les secrétaires et l’argent – sujet traité plus profondément dans le livre que dans l’entrevue étant donné que dans la France de 1974, le patient payait le médecin directement. « Ce livre-là a été un peu comme une visite pour un premier appartement. [Comparaison tirée du fait que la propriétaire de votre rédacteur avait malencontreusement organisé une visite pendant l’entrevue téléphonique.] On se dit : ‘‘Wow! OK, c’est ça la vraie vie, je vais avoir un appartement à payer, une laveuse et une sécheuse, ma propre machine à café… Je vais devoir rencontrer toutes ces obligations-là, mais en même temps je vais avoir tous ces plaisirs-là.’’ » Car il y a effectivement une grande veine terre-à-terre, concrète, factuelle, hands-on experience qui traverse le livre, s’entremêlant avec les considérations plus profondes, éthiques, historiques, psychologiques. De ce constant aller-retour entre le fondamental et l’appliqué découle une œuvre riche et d’autant plus pertinente pour les étudiants du préclinique qu’elle leur donne en même temps hâte de pratiquer et hâte de réfléchir à leur pratique.

Avec les relations à long terme d’un omnipraticien et de son patient s’installe aussi une implication émotionnelle inévitable, pour le meilleur et pour le pire. Si le meilleur est la fierté du chemin parcouru ensemble, le pire, soit la divergence des chemins, n’est jamais bien loin.

La Dre Christiane Laberge, au cours de son parcours médical, a recommandé ce livre autant à des médecins qu’à d’autres professionnels de la santé tels que des infirmiers. En un mot : « des gens qui sont en relation », puisque c’est le pilier de l’essai. « Les spécialistes, je n’ai pas perdu de temps là-dessus », dit-elle en riant – mais qu’on ne se méprenne pas : elle réitère à plusieurs reprises dans la conversation la distinction qu’elle fait entre les spécialistes et les techniciens, ces derniers étant ceux qui sont les plus vertement critiqués. Ainsi de cet urologue qu’elle décrit comme étant « vraiment holistique dans son approche », qui lui a référé un patient pour possible TOC alors qu’il l’avait rencontré pour du prostatisme. C’est une opposition qui revient souvent dans La consultation, même si dans les mots du Dr Bensaïd, elle se manifeste davantage comme un duel entre le somatique/organique d’un côté et le psychologique de l’autre. Bien entendu l’auteur se place toujours dans le deuxième camp en disant que seul le médecin qui assume l’influence de la psyché dans la relation médecin-patient risque d’en éviter de possibles écueils. Pour lui, « cet échange interpersonnel détermine d’autant plus intensément la conduite médicale proprement dite qu’il sera moins perçu, moins reconnu, moins accepté ». De simples techniciens, précisément parce qu’ils sont « influencés sans le savoir par des facteurs psychologiques, ‘‘relationnels’’ », voudront d’autant plus « obstinément en nier l’existence ». Avec d’éventuelles dérives à la clé. Surdiagnostic, surmédication : « Toutes ces erreurs sont le résultat de conduites d’ ‘‘évitement’’. Il faut à tout prix fuir l’angoisse du malade et la sienne propre, et poursuivre l’illusoire neutralité de l’attitude scientifique. » Comment réagit la Dre Laberge à ces phrases qui l’ont sans doute atteinte à l’époque de sa lecture? « On reste des scientifiques, et on ne leur nie pas le côté scientifique, aux patients. Est-ce que l’effet placébo du docteur joue sur le patient? Big time! Est-ce que le patient joue sur toi en fonction de ce qu’il a? Aussi », assume-t-elle avec enthousiasme. Plutôt qu’un constat de faiblesse, c’en semble un de pure évidence.

Avec les relations à long terme d’un omnipraticien et de son patient s’installe aussi une implication émotionnelle inévitable, pour le meilleur et pour le pire. Si le meilleur est la fierté du chemin parcouru ensemble, le pire, soit la divergence des chemins, n’est jamais bien loin. Le fait de perdre un patient de cause naturelle est un deuil pour le médecin, mais une cause humaine apporte un autre genre de remise en question. L’auteur raconte qu’à différents moments de sa vie, il se demande s’il est responsable des patients qui l’ont volontairement quitté, de cette « relation que je n’ai pas su établir ». Qu’en est-il de ce sentiment d’abandon, de rejet professionnel? « Avec les notes de la RAMQ, quand on se fait dire que le patient a décidé de changer de médecin de famille, même si c’est parce qu’il est déménagé loin, qu’on n’ait même pas après 20 ans un petit coucou pour se faire dire qu’il a trouvé un médecin de famille dans son coin… » La phrase laissée en suspens parle d’elle-même. « Ce qui fait mal aussi, c’est quand un patient qui t’inquiète va à l’urgence et que même si tu lui dis de te rappeler après, tu n’as pas de nouvelles. Dans ce temps-là on est un peu frustrés, on est un peu tristes, on se demande effectivement : ‘‘Ben coudonc, est-ce que j’ai raté un diagnostic et on ne me l’a pas dit?’’ »

Et justement du fait de l’importance que joue la relation dans le suivi en tant que tel, de l’exhaustivité holistique qu’exige son travail, le médecin flirte toujours en partie avec la psychothérapie. « Nous, généralistes, sommes condamnés à naviguer inconfortablement et interminablement entre ces deux continents écrasants que sont, d’une part la science médicale et, de l’autre, la psychanalyse, avec chacune ses autorités, ses systèmes, ses institutions. » Changement d’époque, aujourd’hui on parlerait davantage de psychologie au sens large que de la seule psychanalyse, mais le constat reste-t-il d’actualité? Bien sûr, répond l’interviewée. C’est aussi cette liberté qui fait la richesse du travail : «  À l’irresponsabilité du somaticien strict, qui agit aveuglément selon les règles, s’oppose en effet la responsabilité personnelle et totale du médecin qui se condamne à inventer son action. » Et qu’en est-il des patients qui semblent réfractaires à un suivi psychologique dont ils auraient tant besoin? De ces patients qui, comme l’écrit l’auteur, « exigent une action médicale stricte, mais ouvrent largement leur monde intérieur »? « On les travaille au corps, comme on dit. On essaie de semer des graines. Il faut travailler dans une optique de persévérance et de continuité. » Et ne pas hésiter à se fier à une solide équipe interdisciplinaire pour élargir le champ d’actions possibles : « Il faut se donner du temps et de l’assistance. » Cet inconfort né de l’ambigüité entre le travail physique et psychique peut profiter au patient. Certains ne peuvent être traités qu’entre les deux. Pour parler d’une patiente, l’auteur écrit : « Elle pose le problème des relations limites : une attitude strictement somatique ou purement psychologique ne lui permettrait pas de passer librement d’un registre à l’autre, selon ses besoins. Elle me tolère comme confident parce que je ne suis complètement, à ses yeux, ni psychiatre ni médecin. » Éloge du médecin comme oreille universelle parce que versatile; éloge aussi du non-enfermement de la pathologie dans les boites corps-esprit.

Quelles sont les justes places de l’interrogation et de l’investigation dans la relation médicale? De ce qui est connu, pour les étudiants du préclinique, sous le binôme de la rencontre que sont l’anamnèse et l’examen physique? Toujours alliées, jamais ennemies, écrit le Dr Bensaïd : « Ces deux exigences – le souci de ne pas ‘‘passer à côté’’ d’une maladie organique, et celui de tout entendre – ne sont pas contradictoires, ni exclusives l’une de l’autre, mais complémentaires. » L’exigence de tout entendre : description poétique et impérative de l’anamnèse. Étymologiquement « ce dont on se souvient », elle consiste autant à écouter le fil de pensée spontané du patient qu’à l’orienter par des questions précises dans le sens de ce qu’on veut savoir. Illustration d’une relation toujours à mi-chemin entre la spontanéité et la direction. La Dre Laberge raconte qu’un de ses patrons présentait ainsi l’anamnèse : « Le patient vous offre sa maladie sur un plateau d’argent. Vous n’avez qu’à lever le couvercle. » Elle acquiesce encore à ce conseil : « Si on ne le fait pas, on passe à côté de beaucoup de choses. Si on n’y porte pas attention, c’est là, en bon québécois, qu’on se fait ‘‘fourrer’’. » Car même les incertitudes, les incohérences, le vocabulaire insuffisamment technique du patient parlent encore de la façon dont il vit sa maladie. Si la prise de connaissance du dossier et les examens subséquents complèteront la compréhension de son cas, ce qu’il en a dit gardera la même valeur en termes d’apport à la relation.

Au fond on est médecin comme on est dans la vie tout court. Les mêmes travers peuvent s’exprimer ici et là, la même hospitalité aussi. En regardant dans les yeux ou en lisant le dossier? En serrant la main ou à distance? « Cette façon d’accueillir, c’est comme quand on accueille chez soi : est-ce qu’il y a une fermeture? est-ce qu’il y a une ouverture? ». L’auteur parle de la consultation comme d’un acte rituel. La Dre Laberge tempère : « Il y a un rituel avec chacun des patients. » Elle raconte qu’un de ses patients commence chaque rencontre par une blague limite coquine. « Des habitudes vont s’établir. Quand tu es habitué à ce que ton patient rentre d’un bon pas et que tu le vois rentrer la tête entre les jambes… Il y a une complicité qui se crée avec le temps. » De sorte que si chaque consultation manifeste en grande partie le caractère d’un médecin, elle révèle surtout sa capacité à s’adapter à l’individualité de son patient.

Médecine généraliste, omnipratique, médecine de famille. 1974, 1977, 2017. Les termes changent et les années passent, mais les défis et les plaisirs de la profession restent similaires. Déshumanisation de la médecine? Non, parce que la technique est elle-même profondément humaine. Il ne s’agit plus de dire avec l’auteur : « Je n’ai que trop souvent le spectacle de malades arrachés à eux-mêmes et projetés dans une mécanique inhumaine. Les désastres qui en résultent font la preuve qu’aucun cas ne peut se dispenser d’une relation personnelle, reconnue et assumée. » Une médecine prodiguée par des robots, par exemple, n’en serait pas moins humaine. Mais elle serait assurément moins relationnelle, et c’est cette relation qu’il s’agit de préserver. Voilà qui devrait être le principal projet du médecin de famille du IIIe millénaire. Et la première ligne sera peut-être un jour renommée, à juste titre, le premier lien.


Frédéric Tremblay

Étudiant de 2e année
Université de Montréal au campus de Montréal

 

Cet article utilise l’orthographe moderne recommandée.

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