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La médecine à domicile : Le malade et son monde, de l’intérieur

La médecine à domicile : Le malade et son monde, de l’intérieur

Pour cet article, nous nous sommes entretenus avec le Dr Michel de Maupeou, médecin de famille, omni-anesthésiste et médecin à domicile dans la ville de La Sarre, en Abitibi-Témiscamingue,

Dr de Maupeou

Originaire de Montréal, Dr de Maupeou obtient son diplôme de médecine en 1976, termine sa résidence en médecine de famille en 1978, puis complète une formation supplémentaire en omni-anesthésie en 1980. Il répartit maintenant sa pratique entre la clinique de la douleur et les visites en médecine familiale à domicile.

Qu’est-ce qui vous a poussé vers la médecine, la médecine familiale et la médecine à domicile?
Il y avait lorsque j’étais tout jeune, un pédiatre très aimé de ses patients dans mon milieu. Ce médecin visitait les enfants qu’il avait pris en charge directement chez eux, et son dévouement ainsi que son approche m’a inspiré à entreprendre mes études médicales. Ayant bénéficié du système d’éducation français avant mon CEGEP, j’étais plus âgé que mes confrères suite à l’obtention de mon diplôme. Je fus donc attiré par la médecine de famille, car cette spécialité demandait moins de temps en résidence avant de commencer à travailler de manière indépendante.

Après mon arrivée en Abitibi, je me suis rapidement rendu compte que la région souffrait énormément d’un manque d’anesthésiste. C’est pourquoi je complétai par la suite une formation supplémentaire en omni-anesthésie de un an. Je fis ensuite de l’anesthésie pendant 32 ans, une pratique que je mis par la suite progressivement de côté, car elle devenait de plus en plus exigeante. À ce moment, notre CSSS manquait de médecin pour faire des visites à domicile, c’est pourquoi j’ai réduit petit à petit mon temps consacré à faire de l’anesthésie pour faire de la visite à domicile. Je n’ai finalement gardé de mon ancienne pratique que ma clinique de la douleur.

Quel est le rôle du médecin à domicile pour la société et au sein de la profession médicale?
Le médecin de visite à domicile rencontre chez eux et de manière plus ou moins ponctuelle, les patients ne pouvant pas se déplacer au CLSC ou à l’hôpital. Ces patients sont référés au médecin par les infirmières du CLSC qui leur prodiguent normalement leurs soins à domicile, et ce, lorsqu’un changement de leur état de santé nécessite une réévaluation médicale. Le type de patient ayant besoin de ce type de suivi inclut surtout des individus en soins palliatifs, ou souffrant de troubles cardiorespiratoires ou locomoteurs graves.

La médecine à domicile permet de rendre le patient-hôte plus confiant et confortable, ce qui a un effet bénéfique incroyable sur la relation thérapeutique.

Le médecin à domicile offre donc un service complémentaire à celui des infirmières, des travailleurs sociaux et des ergothérapeutes, qui ont tous pour but de maintenir les individus chez eux le plus longtemps possible. En plus d’aider à améliorer la qualité de vie des patients, cette approche permet de ménager l’administration et le budget des institutions de santé, surtout en limitant la quantité de lits nécessaires en CH ou CHSLD pour les soins chroniques. La médecine à domicile sert donc autant de baume pour le patient que pour les institutions de santé.

Quelles sont les expériences stimulantes et hors de l’ordinaire que peuvent vivre les médecins à domicile, et quels sont les avantages de pratiquer la médecine à domicile?
La médecine à domicile permet de bouger beaucoup et de découvrir de nouveaux milieux à longueur d’année! Ceci est encore plus vrai lorsqu’on pratique en région. C’est toute une aventure que de partir le matin avec une série d’adresses située dans des rangs éloignés, avec rien de plus que son GPS (souvent inexacte) pour se guider! »

Les soins à domicile offrent aussi une pratique extrêmement variée. Par exemple, en plus des évaluations médicales multisystèmes et psychosociales et de la coordination des soins de santé,  nous avons à procéder régulièrement à des techniques invasives telles que des infiltrations de toutes sortes. Ceci est nécessaire de par la nature des pathologies nécessitant des soins à domicile ainsi que l’incapacité des individus à se déplacer pour bénéficier de tels traitements.

La médecine à domicile permet de rendre le patient-hôte plus confiant et confortable, ce qui a un effet bénéfique incroyable sur la relation thérapeutique. Il n’est pas rare aussi que je prenne mes repas de la journée chez les patients, histoire de sauver du temps, et ces moments privilégiés passés avec eux me rapprochent de leur condition personnelle. L’intrusion dans les milieux de vie des individus donne aussi un accès précieux à leurs aidants naturels, ce qui nous offre une opportunité sans égal de récolter des informations supplémentaires sur l’état de santé du patient, entre autres.

Ma pratique me permet aussi d’avoir un aperçu privilégié sur le vécu et les habitudes de vie du patient. Elle nous permet d’élucider la cause de ses infections à répétition après l’avoir vu en personne frotter ses abcès avec ses mains couvertes de suie de foyer. Elle permet de comprendre pourquoi un patient peu bavard n’utilise pas son oxygène à domicile quand on remarque que son appartement sent la cigarette à plein nez. Ce genre d’information est souvent peu ou pas exprimé par le patient lors de sa visite en cabinet, mais de telles observations d’un bon praticien permettent ainsi d’éviter des évaluations supplémentaires inutiles.

Les soins à domicile offrent un rythme de travail bien différent des autres pratiques en médecine de famille. Le calcul des rémunérations basé sur la distance voyagé et sur un taux horaire plutôt que sur une paie à l’acte, permet d’adapter le temps des entrevues, des examens et des procédures avec chaque patient dépendamment de ses besoins. De plus, en médecine à domicile, le médecin ne se retrouve pas autant en contrôle des soins que dans le milieu hospitalier. Par exemple, la liberté et le confort du patient dans son environnement lui permettent de s’engager plus activement lors des décisions médicales le concernant. La proximité de la famille et d’autres professionnels de la santé, octroyant souvent des soins au patient sans supervision de médecin, permet aussi à l’équipe soignante de s’occuper des malades en temps que vraie équipe intégrée. Cette pluridisciplinarité, en plus de la quantité accrue de temps pouvant être accordé à chaque patient, permet ainsi de se concentrer amplement sur l’aspect biopsychosocial du vécu du patient, enrichissant notre pratique médicale.

Quel type d’étudiant serait bien adapté à pratiquer la médecine à domicile?
Il faudrait pour commencer que le médecin n’axe pas sa pratique sur la production, mais sur la qualité de sa relation thérapeutique et de ses interventions auprès du malade, en partie car le salaire horaire encourage plutôt ce genre d’approche. Il faut aussi apprendre à quitter le confort de son bureau et apprendre à s’accommoder d’uniquement ce qu’on peut transporter dans sa mallette ! Développer un instinct et une méthode clinique efficace devient aussi primordial, car il est difficile d’obtenir rapidement accès à des tests et examens pour les patients confinés à la maison. Un étudiant se devrait d’être flexible et débrouillard, car les changements d’horaires sont courants, et les obstacles techniques imprévisibles très fréquents. Finalement, il faut surtout apprendre à travailler en équipe avec les autres intervenants et les aidants naturels, car ce sont eux qui vont dispenser la majorité des soins de santé auprès du patient entre vos visites.

Que devrait faire un étudiant pour se préparer à une pratique en soins à domicile ?
Les visites à domicile font maintenant partie du curriculum en médecine familiale, bien qu’il soit possible de faire quelques stages supplémentaires en soins à domicile pour se préparer à une telle pratique. Il faut aussi se préparer à travailler en équipe multidisciplinaire. Profitez alors des occasions qui s’offrent à vous de voir une telle équipe à l’œuvre!

Auriez-vous d’autres messages à transmettre à nos lecteurs des GIMF et des facultés de médecine du Québec?
N’hésitez jamais à repousser vos limites. Demandez d’essayer tout ce que vous vous sentez à l’aise de tenter pendant vos stages, surtout en ce qui concerne les gestes techniques comme les infiltrations, par exemple. Avec la pratique, se développe le confort, et c’est en étant confortable dans son quotidien que nous trouvons le courage de se donner corps et âme!»

Patrice Chrétien Raymer
Coprésident, GIMF UdeM

 

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