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« La santé du travail, ça touche tout le monde; le travailleur actif, l’employé en arrêt de travail, l’accidenté, le retraité, le chômeur qui ne peut plus offrir un environnement sécuritaire à sa famille. »

La médecine du travail : une discipline mal connue, une pratique hors du commun

Pour cet article, nous nous sommes entretenus avec le Dr Louis Patry, médecin de famille, ergonome et médecin du travail.

 

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Qu’est-ce qui vous a poussé vers la médecine, la médecine familiale et la médecine du travail?
« Mon père était médecin de campagne, et ceci a été une des raisons de mon entrée en médecine. Par la suite, j’ai choisi la médecine de famille, car celle-ci offre une pratique très large, qui permet progressivement de se spécialiser vers son aspect favori de la médecine, et d’adapter sa pratique selon ses désirs. Pour ce qui de la médecine du travail, je dirais que c’est plutôt elle qui m’a choisi par la suite ! »

Après avoir obtenu son diplôme de MD à l’Université Laval en 1973, Dr Patry entame sa pratique auprès d’un groupe de médecine d’urgence à Rivière-du-Loup. Il participe par la suite à un programme gouvernemental ayant pour but d’évaluer la santé des employés ayant participé à l’épandage de pesticides dans l’Est de la province. C’est la piqûre! Il travaille maintenant pour le département de la Santé publique du Québec, tout en conservant un poste de professeur à l’Université de Montréal et à l’Université McGill.

Quel est le rôle du médecin de travail pour la société et au sein de la profession médicale?
« L’environnement et les conditions de travail sont reliés à 15% des plaintes chez les patients, que ce soit en bureau ou à l’urgence. En moyenne, un travailleur passera 30 à 40% de sa vie active au travail. La santé du travail, ça touche tout le monde; le travailleur actif, l’employé en arrêt de travail, l’accidenté, le retraité, le chômeur qui ne peut plus offrir un environnement sécuritaire à sa famille.

 Notre rôle, en plus de suivre et traiter les patients, est d’établir un corridor de service pour les patients victimes d’accidents ou ayant des problèmes de santé liés à leurs activités ou à leur environnement au travail. Nous devons aussi documenter les risques reliés à chaque type d’occupation,  établir des programmes de prévention et instaurer une coopération bénéfique pour la santé des patients entre le système de santé et les partenaires sociaux.

Le but de la médecine du travail, c’est de garder les gens en santé malgré les risques encourus dans leur travail, et s’arranger pour que ce même travail contribue au maximum à leur bien-être physique et psychique.»

Quelles sont les expériences stimulantes et hors de l'ordinaire que peuvent vivre les médecins du travail?
« La médecine du travail, ça ne consiste pas à remplir des documents pour la CSST à longueur de journée : c’est une pratique de première ligne qui expose les professionnels à des situations assez inusitées et variées.
Par exemple, la médecine du travail peut autant toucher les intoxications à l’arsenic chez les travailleurs de fonderies que l’épuisement professionnel chez les médecins urgentologues ou les douleurs lombaires chroniques chez les travailleurs de bureaux.

 Il y a peu de gardes en médecine du travail, ce qui pour certains constitue l’un de ses grands avantages. Par contre, lorsque nous sommes appelés, c’est souvent pour des événements aussi hors de l’ordinaire que des déversements toxiques en zone habitée ou des fuites de gaz médicaux dans une salle de résonnance magnétique. »

Quels sont les avantages de pratiquer la médecine du travail?
« La médecine du travail est très stimulante et variée. En effet, elle fait partie des disciplines les plus changeantes en médecine, car elle est fortement basée sur l’environnement physique et humain des patients, lequel est constamment en effervescence. Nous avons à faire à une population qui présente un large spectre de problèmes.

C’est aussi une pratique extrêmement multidisciplinaire. Pour être efficace, nous devons travailler autant avec des épidémiologistes, des ergonomes et des physiciens, qu’avec des intervenants sociaux, des représentants d’entreprises et des anthropologues.

La médecine du travail permet en plus de cumuler plusieurs types de pratiques selon ses préférences : travail en bureau, recherche appliquée, administration et travail d’urgence dans le cas d’accidents environnementaux. On peut même voyager beaucoup si on le désire!

La satisfaction apportée par ce type de pratique est aussi assez particulière : lorsque nous sommes capables d’identifier la cause d’un problème de santé, nous pouvons souvent agir assez fortement sur celle-ci pour régler le problème, ou du moins le prévenir chez d’autres travailleurs. C’est bien différent d’autres spécialités, pour lesquelles les traitements sont majoritairement axés sur le soulagement des symptômes plutôt que sur l’éradication du problème à sa base.

Finalement, c’est aussi une des rares disciplines qui permet de bien prendre le temps de connaître un patient, ses habitudes de vie et ses conditions de travail. Il n’est pas rare de passer une heure avec un patient lors de son premier rendez-vous, et de le revoir une trentaine de minutes lors de nos rencontres de suivi. Ceci nous permet de nous intéresser à l’individu, bien sûr, mais aussi à son environnement culturel et familial et à la population dont il fait partie. »

Quel type d'étudiant serait bien adapté à pratiquer la médecine de travail?
« Il faut avoir un intérêt pour les aspects sociaux, culturels et épidémiologiques de la médecine, car leurs changements rapides affectent particulièrement la pratique de la médecine du travail. Par exemple, le transfert du travail industriel au travail informatique a beaucoup modifié le type de pathologies et de problèmes de santé issus des habitudes de travail.

Il faut aussi être curieux, car il est difficile d’avoir une réponse claire à un problème qui se présente pour la première fois devant soi en médecine du travail. Il faut aussi avoir un intérêt pour le vécu du patient.
Il faut être confortable avec une approche autant clinique qu’individuelle et populationnelle. La médecine du travail n’est pas une pratique à haut débit. Il faut prendre le temps de chercher les causes des problèmes du patient, les analyser et les documenter. Le but ultime, c’est surtout la prévention. »

Si un étudiant voulait s'orienter vers cette discipline, auriez-vous des conseils à leur donner?
« Le mieux, surtout avant la résidence, serait de faire des stages dans le domaine. Pour ce faire, les étudiants peuvent contacter les bureaux de la santé publique ou de la santé du travail du Québec. Je pourrais servir de contact aux gens intéressés*. »

Auriez-vous d'autres messages à transmettre à nos lecteurs des GIMF et des facultés de médecine du Québec?
« La médecine du travail existe aussi en tant que spécialisation de la médecine interne, mais 95% du travail dans ce domaine est effectué par des médecins de famille. Nous essayons donc d’établir une spécialisation de 3e année de résidence en médecine familiale dédiée à la médecine du travail, similaire au R3 en urgence.
La médecine du travail est un aspect primordial de la médecine qui est mal connu, mal perçu et plus ou moins bien enseigné. C’est une spécialisation en demande, et les occasions de se familiariser avec cette discipline sont multiples et accessibles auprès des institutions de santé publique et de santé au travail. Je vous la suggère fortement ! »

Patrice Chrétien-Raymer de l’UdeM

*Si vous désirez obtenir les coordonnées du Dr Patry, veuillez écrire à redaction.premiereligne@gmail.com

Partir en mission

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Avec le temps, elle a acquis un certain confort, autant au niveau personnel que professionnel. Ses projets de missions se voyaient constamment remis à plus tard. Puis, un jour, elle est tombée malade et a dû être hospitalisée pendant une semaine. « J’ai alors pris conscience qu’on ne sait pas ce que l’avenir nous réserve et j’ai décidé que j’allais mettre mes projets à exécution pendant que j’en avais la possibilité et les capacités. » Elle a donc fait sa demande à Médecins sans Frontières, qui lui offrit une première mission en janvier 2005, en République Démocratique du Congo.+

Variétés de pratique

Chaque numéro de Première ligne vous fait découvrir deux pratiques de la médecine familiale. Accédez aux modes de pratiques présentés dans les numéros précédents :

Novembre 2011
Le Groupe d'intervention médicale tactique
La pédiatrie

Septembre 2011
L'urgence
Le bureau

Mai 2011
Les soins intensifs
L'obstétrique

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La Direction de la Santé Publique de Montréal, le lieu de travail du Dr Patry.