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« Les personnalités les plus à risque de développer un trouble alimentaire sont, sans grande surprise, les perfectionnistes... »

Les troubles alimentaires

Pourquoi une chronique sur la santé mentale dans une revue Web sur la médecine familiale? Avant tout, parce qu’il n’y a pas de mauvais véhicule médiatique pour parler de ce sujet délicat et que Première ligne s’adresse aux étudiants et externes en médecine du Québec, une population particulièrement à risque. Chaque numéro de Première ligne se penchera sur un problème de santé mentale. Si vous aimeriez que l’on traite d’un sujet en particulier, écrivez-nous à redaction.premiereligne@gmail.com. Si les choses ne vont pas bien, n’hésitez pas à aller chercher de l’aide. N’attendez pas.

 

C’est une problématique secrète; elle se vit en cachette, pas sur la place publique. Alors souvent, c’est dans l’œil de l’omnipraticien ou de l’amie aux aguets et au creux des confidences de ceux et celles qui en sont affectés que se trouve la subtilité du diagnostic.

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Le profil habituel des troubles alimentaires, avec les critères du DSM et la répartition selon le sexe de 10 femmes pour 1 homme… laissons-le de côté. Approchons plutôt le trouble de manière plus personnelle. Car nous avons tous une amie, une sœur, un ou une collègue anorexique, sans même compter la clientèle qui nous attend. Et cette proche, cette amie, n’est pas un ensemble de critères, une anorexique, une boulimique, un trouble alimentaire non spécifique. C’est une personne qui souffre.

Les personnalités les plus à risque de développer un trouble alimentaire sont, sans grande surprise, les perfectionnistes, habitués à donner beaucoup d’eux-mêmes et à vouloir se surpasser à plusieurs niveaux. Chez les étudiants en médecine, ce type de personnalité semble représenter la majorité. Ainsi donc, d’une part, nous sommes des perfectionnistes, qui avons toujours été au summum de nos aptitudes dans bien des domaines.

D’autre part, puisque nous étudions la médecine, nous connaissons la problématique des troubles alimentaires. Mais comment en faire le diagnostic, comment éviter la souffrance et les conséquences parfois irréversibles sur la santé physique et mentale si nous sommes dans le déni? Si nous croyons que cela ne peut pas nous toucher? Pourtant, collègues, nous sommes exposés aux troubles alimentaires de manière beaucoup plus personnelle que nous le pensons. Nous sommes forts, travaillants, ambitieux, organisés, à tendances obsessives-compulsives, nous, les étudiants en médecine. Il n’y a pas de place pour la faiblesse, pensons-nous. Pourtant, nos forces peuvent devenir nos faiblesses.

Chez la personne qui souffre d’un trouble alimentaire, un cercle vicieux s’installe, orchestré par le circuit de la récompense, l’obsession qui mène à la compulsion, et une image corporelle complètement déformée. Ne pas manger, se retenir : une victoire! Avoir faim, une torture qui satisfait : on est plus fort que nos besoins. Craquer et se satisfaire : les remords nous attendent, bâton à la main. Purger sa peine en vomissant, en s’entrainant excessivement, en prenant des laxatifs, tout en se haïssant. Être soulagé et se promettre de ne plus recommencer. Alors ne pas manger et se retenir, mais penser à la nourriture continuellement. Ce sentiment de contrôle de soi, c’est la récompense. Là où l’engrenage se rouille, c’est lorsque la fatigue s’accumule, la concentration diminue, les cheveux tombent, l’émail des dents s’amenuise, le cœur palpite, et qu’on se trouve toujours plus performant que jamais.

Et même, sans en arriver là, on peut s’épuiser à consacrer toute son énergie à gérer sa faim, ses envies, ses excès, son corps. Les troubles alimentaires n’ont pas qu’un seul visage ni qu’une seule manière d’être vécus. Mais ils ont tous en commun de causer de la souffrance, des sentiments négatifs et une importante perte d’énergie et de temps aux personnes qui en sont atteintes, peu importe le degré de la maladie. En outre, certains peuvent mener à l’abandon des études, à la dépression, à la mort.  

Mais il n’y a pas de place, en médecine, pour la faiblesse. C’est la performance qui prime. D’ailleurs, tous les autres étudiants en médecine sont forts et s’en tirent bien, pas vrai?   

Le déni de celui ou celle qui est aux prises avec cette lutte intérieure, ce combat entre les besoins physiques et les pensées obsessives, négatives et envahissantes, est tel qu’il est possible que ce ne soit pas lui ou elle qui sonne l’alarme. Chacun de nous devrait passer en revue, mentalement, tous ses ami(e)s et collègues. La détresse se lit difficilement dans le visage d’un « winner ».

N’auriez-vous pas, par hasard, une brillante amie qui aurait perdu beaucoup de poids dernièrement et qui ne mange jamais en public? Ou une collègue de classe dont le discours tourne beaucoup autour de la « mise en forme », des livres à perdre, de recettes amaigrissantes? Un coéquipier que vous rencontrez plus souvent qu’il ne le faudrait au gym et qui s’y entraîne longuement et intensivement? Une connaissance qui se cache sous des vêtements trop larges et qui maudit ouvertement son corps?

Et toi-même, ces préoccupations-là t’habitent-elles?

Avoir un trouble alimentaire et en parler à un proche ou à un spécialiste n’est pas un signe de faiblesse. C’est un pas de géant vers l’équilibre à retrouver, vers la santé mentale et physique nécessaire pour poursuivre des études en médecine, faire sa résidence et devenir un médecin compétent et équilibré.

Ne laissez pas un ou une collègue souffrir. Abordez le sujet.

Ne continuez pas à souffrir. Parlez-en. Il y a des ressources. La guérison est possible.

 

Définitions

La boulimie | L'hyperphagie boulimique | L'anorexie mentale | L’anorexie athlétique (entraînement physique excessif) | La dysmorphie musculaire ou le « complexe d'Adonis »

 

Questionnaires

 

Quelques ressources

Cours sur les troubles des conduites alimentaires (SME2055V) offert à l'Université de Montréal, au certificat en santé mentale (que les étudiants en médecine peuvent suivre, comme option).

Anorexie et boulimie Québec : ANEB Québec garantit une aide professionnelle immédiate et gratuite aux personnes touchées par les troubles alimentaires.

National Eating Disorder Information Center (en anglais seulement) 

L’Institut universitaire en santé mentale Douglas, de McGill, Programme des troubles de l’alimentation (thérapies individuelles, familiale/de couple, de groupe, thérapie pharmacologique, thérapie nutritionnelle; programme de jour, hôpital de jour, hospitalisation)

La Clinique psychoalimentaire 

Programme d'intervention des troubles des conduites alimentaires (PITCA) du CHUQ 

L’organisme Outremangeurs anonymes organise des réunions gratuites dans la plupart des villes de la province, pour les personnes atteintes d’hyperphagie boulimie qui ont besoin du soutien d’un groupe, et suit un programme de 12 étapes similaires à celui des AA 

 

Article rédigé par Yasmine Ousalem, sur la base de l’expérience vécue par un(e) collègue, en collaboration avec Èvelyne Bourdua-Roy

 

Conséquences psychologiques

Conséquences psychologiques :
• Anxiété
• Pensées obsessionnelles
• Pensées intrusives
• Préoccupations alimentaires
• Repli sur soi
• Perturbation du sommeil
• Troubles de concentration
• Humeur dépressive, irritabilité
• Capacités intellectuelles altérées.

Santé mentale

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