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« Conduite vexatoire se manifeste par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés portant atteinte à la dignité ou à l'intégrité psychologique ou physique du travailleur »

Le harcèlement psychologique chez les étudiants et externes en médecine

Pourquoi une chronique sur la santé mentale dans une revue Web sur la médecine familiale? Avant tout, parce qu’il n’y a pas de mauvais véhicule médiatique pour parler de ce sujet délicat et que Première ligne s’adresse aux étudiants et externes en médecine du Québec, une population particulièrement à risque. Chaque numéro de Première ligne se penchera sur un problème de santé mentale. Si vous aimeriez que l’on traite d’un sujet en particulier, écrivez-nous à redaction.premiereligne@gmail.com. Si les choses ne vont pas bien, n’hésitez pas à aller chercher de l’aide. N’attendez pas.

 

 

Vidéo produite par Simon Kind, Andréanne Samson et Élizabeth Lépine, Université Laval

Savez-vous ce qu’est le harcèlement psychologique? En avez-vous déjà été témoin depuis que vous êtes en médecine? En avez-vous été victime durant vos stages?

Au Québec, il existe la Loi sur les normes de travail qui, depuis 2004, stipule que tous les travailleurs ont droit d’exercer leur travail dans un milieu exempt de harcèlement psychologique.

Définition :

  • Conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés*
  • qui sont hostiles ou non désirés
  • portant atteinte à la dignité ou à l'intégrité psychologique ou physique du travailleur
  • et entraînant, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste.

* Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour le travailleur.

 

1) Conduite vexatoire

  • Conduite humiliante, offensante ou abusive qui dépasse ce qu’une personne raisonnable estime être correcte dans l’accomplissement du travail
  • Accumulation de paroles, actes ou gestes paraissant bénins isolément
  • Cause unique si l’effet nocif se perpétue dans le temps

2) Caractère hostile ou non désiré

  1. La victime n’a pas besoin d’avoir exprimé clairement son refus ou sa désapprobation

3) Atteinte à l’intégrité physique ou psychologique

  1. Impact négatif sur la personne
  2. Sentiment d’humiliation, de dénigrement, de dévalorisation
  3. Détérioration de la santé physique

4) Milieu de travail néfaste

  1. Milieu dommageable qui crée un tort à la victime
  2. Peut mener à l’isolement

À ne pas confondre avec :

  1. Exercice normal du droit de gérance
  2. Conflits
  3. Contraintes au travail
  4. Stress au travail
  5. Personnalité paranoïde

Exemples :

Propos et gestes vexatoires :
  « À te voir aller, on se demande bien comment t’as fait pour être accepté en médecine! »

Menace de congédiement :
« Tu n’es vraiment pas adéquat. T’es mieux de faire attention parce que je pourrais te faire couler ton stage! »

Atteintes aux conditions de travail :
On ne fournit pas la formation de base, par exemple pour le brossage en chirurgie, et on accuse l’étudiant ou l’externe d’être un mauvais stagiaire, de ne pas connaître les règles de base et de faire du mauvais travail.

Mise en échec de la personne :
Devant un patient : « T’as pas dit ça à la patiente! Ben voyons, tu vois ben que ça ne peut pas faire partie des diagnostics possibles. Pour moi que tu devrais retourner sur les bancs d’école, toi! »

Parfois, c’est beaucoup plus subtil. Cela fait partie du problème : souvent, la première réaction de la personne victime de harcèlement est de se remettre en question. Elle doute d’elle-même, pense qu’elle exagère, elle cherche des solutions, se culpabilise et se détruit moralement. La personne victime peut également croire que c’est ainsi que la formation en médecine est, depuis toujours, et qu’il n’y a rien à faire. L’estime de soi est d’autant plus atteinte si elle croit que tous les autres ont réussi à passer à travers et qu’elle aussi devrait bien en être capable! Elle interprète ses sentiments pour de la faiblesse et, de ce fait, garde le silence et endure la situation.

Accédez à une liste d’exemples et de contre-exemples vécus par des résidents

La victime qui en parle à des proches peut être confrontée à un manque de compréhension et de soutien :

  1. Déni et banalisation : « Tu exagères! Ce n’est pas grave, il faut ben rire un peu! Il est comme ça, lui, mais il n’est pas méchant… C’est juste une blague! »
  2. Tentative de fragilisation du plaignant : « T’es trop sensible, tu exagères tout!  »
  3. Collègues le plus souvent absents lorsque le harcèlement survient; peu d’aide et de soutien : « Je suis la cible d’un de mes patrons et tout le monde semble penser que je fais une montagne d’un grain de sel et me dit que c’est parce que je suis fatigué. Je ne suis pas pris au sérieux. Je passe pour un chiâleux parano. »

Les conséquences du harcèlement psychologique :

  1. Perte de motivation au travail
  2. Détérioration de la santé physique et psychologique
  3. Absences
  4. Difficultés professionnelles
  5. Difficulté de concentration lors de l’étude
  6. Difficultés familiales ou conjugales

Selon un sondage longitudinal qui a été mené aux États-Unis dans 16 facultés de médecine, en 2003*, 42% des étudiants en médecine se disaient avoir déjà été victimes de harcèlement et 84% de dénigrement. Les personnes qui perpétraient le harcèlement étaient, le plus souvent des patrons, des résidents ou des fellows, parfois des patients, mais aussi d’autres étudiants et des professeurs du préclinique.

Des répondants, 13% ont qualifié leur(s) expérience(s) de sévère(s). Lorsqu’on demandait aux répondants victimes de harcèlement (léger à sévère) s’ils étaient satisfaits à l’idée d’être de futurs médecins, la majorité a rapporté qu’ils étaient peu satisfaits de la médecine comme choix de carrière.

Les spécialités les plus touchées étaient la chirurgie, l’obstétrique-gynécologie et la pédiatrie.

Les répercussions sur la santé mentale :
Stress, abus d’alcool ou de substances, trouble du sommeil, anxiété, trouble anxieux non spécifique, trouble d’adaptation avec humeur dépressive et/ou anxieuse, épisode dépressif majeur, trouble de stress post-traumatique, pensées suicidaires ou suicide, etc.  

Une culture qui se perpétue?
Les méthodes d’apprentissage abusives (abus de pouvoir, humiliation en public, surcharge de travail demandé, évaluations inappropriées…) sont présentes dans la formation médicale depuis longtemps.
Cela peut encourager les étudiants à adopter eux-mêmes de tels comportements punitifs et insensibles envers leurs futurs collègues.

La majorité ne porte pas plainte, ayant peur de représailles, et accepte cela comme une norme d’apprentissage : « Ça fait partie de la formation en médecine… faut juste passer au travers! ».

L’intimidation et le harcèlement sont inacceptables :
Toutes les universités québécoises se sont dotées d’un code de conduite, d’une charte ou de règlements qui interdisent l’intimidation, le dénigrement, la menace, l’humiliation et le harcèlement.
Pour les facultés de médecine, il s’agit d’un critère d’agrément des programmes de formation médicale depuis 2005.

 

Quoi faire?
Ne pas hésiter à briser le silence! En plus du réseau d’aide étudiant de chacune des facultés, citons :

McGill
Assessors/Harassment, Sexual Harassment and Discrimination

UdeM
Bureau d’intervention en matière de harcèlement

U Sherbrooke
Soutien en cas de harcèlement ou d’intimidation de la Faculté de médecine et des sciences de la santé

U Laval
Centre de prévention et d’intervention en matière de harcèlement

Mot de la fin
Personne ne mérite de subir du harcèlement psychologique. N’en soyez pas témoin sans rien dire et, si vous en êtes victime, parlez-en à des professionnels dès la survenue d’un incident. N’attendez pas que votre stage de quatre semaines finisse enfin; n’attendez pas que votre estime de vous et que votre santé mentale en soient affectées. Et lorsque vous serez résident et patron, réfléchissez à votre conduite pour ne pas perpétuer la culture inconsciemment.

Par Èvelyne Bourdua-Roy


Adapté de « Le harcèlement psychologique en milieu de travail » par Daphné Cloutier, Catherine Cormier et Anne Trépanier, présentation dans le cadre du cours Médecine sociale et préventive, octobre 2011.

Merci les filles!                

 

* Frank, E., Carrera, J.S., Sratton, T., Bickel, J., Margaret Nora, L. Experiences of belittlement and harassment and their correlates among medical students in the United States: longitudinal survey, BMJ. Publié le 6 septembre 2006.

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