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Le Bénin : frustrations et appréciations

Le Bénin : frustrations et appréciations

Cet été, j’ai eu le privilège d’effectuer un stage d’immersion en santé mondiale IFMSA-SCOI à l’hôpital départemental de Porto-Novo, en République du Bénin. Petit pays d’Afrique de l’ouest, le Bénin partage ses frontières avec le Nigéria, pays le plus peuplé d’Afrique, le Togo et le Burkina Faso.

Mise en contexte :

République du Bénin

République du Bénin

Population : ≈ 10 millions
43 % vit en milieux urbains.
L’âge médian y est de 18,4 ans. Population très jeune!
Espérance de vie à la naissance : 59 ans (moyenne Afrique subsaharienne : 57 ans)
Prévalence du VIH : 1,1%
Taux de mortalité infantile : 59 par 100 000 en 2012 (109 en 1990!)
Revenu moyen par habitant d’environ 800 $ CDA par an

* données tirées des sites de la banque mondiale et de l’OMS

Ce centre hospitalier dessert Porto-Novo, la capitale politique et deuxième ville en importance au Bénin, avec ses 223 000 habitats. Au cours de ce stage, j’ai été successivement immergé de santé mondiale dans les départements de maternité, de médecine interne et de pédiatrie, en plus de me dérober une journée par-ci par-là dans certaines spécialités comme la cardiologie, la radiologie et la biochimie. L’hébergement était assuré par une famille d’accueil béninoise, qui m’a accueilli comme un membre à part entière et elle a grandement contribué à mon sentiment d’appartenance à ce pays que je considère maintenant comme une deuxième maison.

À l’extérieur de l’hôpital, j’ai rencontré des gens formidables, mangé la plus authentique des cuisines africaines et participé à des activités qui rendraient jaloux un vieux colonisateur belge des années 1800. Toutefois, tout n’est pas rose au Bénin. L’acceptation générale de la population envers les écarts de conduite des hauts dirigeants du pays rend le Bénin très stable politiquement, mais ce au prix d’une corruption omniprésente. Cette corruption se répercute forcément dans les services à la population, entres autres, les hôpitaux.

Le système de santé béninois est formé de cliniques privées, dont les soins sont hors de portée pour une large proportion de la population, et de centres départementaux, dont le mien. Plus abordables, les soins y sont néanmoins généralement de moins bonne qualité. Les mesures d’hygiène les plus élémentaires telle le lavage des mains y sont appliquées avec un laxisme frustrant, l’asepsie lors des procédures y est douteuse et, surtout, l’attitude du personnel soignant y est à mille lieux de la nôtre. Dans les corridors, on zigzag entre les anachronismes. Il ne faut pas se surprendre d’y voir un médecin regarder le col d’une patiente à la lumière de son téléphone intelligent dernier cri.

 

La jeune relève médicale du Bénin

La jeune relève médicale du Bénin

Vous me direz, avec raison, que le savon, les lampes et le matériel d’hôpital en général ça coûte cher et qu’il fallait s’y attendre. Néanmoins, un autre aspect dérangeant de la pratique médicale béninoise est le peu de dignité que l’attitude de certains médecins, infirmiers et sages-femmes laisse à la personne humaine qui vient se faire soigner. Ces attitudes qui, sans être la norme, se font très fréquentes, contribuent à altérer la confiance de la population envers leur système de santé. Il suffit d’en parler à n’importe quel citoyen pour qu’il vous témoigne de la sécheresse avec laquelle il a été traité lors de ses passages au centre de soins.

Loin d’être anosognosiques, les béninois tentent de rectifier le tir. C’est la raison pour laquelle le pays met lentement le cap vers un système de Régime d’Assurance Maladie Universel (RAMU), dans lequel le partage du risque des coûts de santé serait partagé entre des mutuelles privées, le gouvernement et la population. Pour adhérer au régime, chaque béninois devra payer l’équivalent de 25 $ canadiens par an. Ceci permettrait à 90 % de la population qui œuvre dans le domaine informel (vendeurs, taxi moto, coiffeur) de ne pas avoir à assumer la totalité des coûts de leurs soins de santé, comme c’est actuellement le cas.

Des rencontres inoubliables

Des rencontres inoubliables

Un autre point intéressant de cette réforme serait l’instauration parallèle d’un système de financement des hôpitaux en fonction de la fréquentation, soit un reflet de la qualité des soins. À l’heure actuelle, plusieurs hôpitaux départementaux sont utilisés à une fraction de leur capacité, car la population préfère payer le prix fort plutôt que d’aller y recevoir des soins sous-optimaux. Si cette réforme prend effectivement vie, ce qui risque d’être long et laborieux, la mentalité des soignants n’aura d’autre choix que de changer, au bénéfice de tout ceux qui aiment voir respecter leur dignité lorsqu’ils traversent les moments les plus durs de leur existence.

Outre certaines frustrations causées par l’inefficacité de plusieurs secteurs, le Bénin est un pays très accueillant et qui se veut un « prototype » de l’Afrique de l’ouest. L’été que j’y ai passé a été extrêmement enrichissant sur les plans personnels et professionnels. Je ne m’y suis jamais senti en danger et plusieurs bourses ont aidé à rendre le voyage abordable pour mon portefeuille d’étudiant. Je recommande chaudement à tous ceux qui se sentent interpellés par la santé mondiale, la médecine tropicale ou qui veulent simplement se sortir de leur zone de confort de se renseigner sur les possibilités de stages SCOI.

Remerciement tout spécial à la famille Ahouantchédé.

Pour toutes questions ou commentaires :
olivier.roy.9@umontreal.ca ou info@ifmsa.qc.ca

Pour les férus d’assurance maladie, un document hautement intéressant:
Vers la couverture maladie universelle au Bénin – Réflexions et perspectives

Olivier Roy, collaborateur invité, septembre 2015
Olivier Roy
Externe1, Université de Montréal

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