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La première ligne auprès des plus vulnérables

La première ligne auprès des plus vulnérables

Evelyn est une jeune femme de Montréal.  Elle est originaire du Mexique et bien qu’elle soit au Québec depuis quelques années, elle ne possède pas de carte d’assurance maladie.  Elle a développé une dépendance importante aux opiacés et se prostitue afin de manger et de payer ses médicaments.  Elle loge dans un refuge pour travailleuse du sexe ou couche où elle peut le reste du temps.  Elle s’injecte souvent dans des endroits plus ou moins salubre avec le matériel qu’elle a sous la main.  Elle est atteinte d’hépatite C et a malheureusement reçu un diagnostic de VIH récemment.  Ce matin d’automne, elle se présente inadéquatement vêtue, en pleurant.  Vous notez des ecchymoses aux bras et au visage…

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Dre Goyer en entrevue avec une patiente vulnérable

Des histoires comme celle là, c’est le quotidien de la Dre Marie-Êve Goyer.  Sa motivation?  Aider ces gens qui ne cadrent pas toujours avec l’organisation et la mentalité de notre système de santé.  Sa pratique est des plus variées mais garde comme constante de servir les populations les plus démunies pour lesquels les besoins sont criants et les préjugés tenaces.

Parcours
Dre Goyer a complété ses études médicales à l’Université Laval.  Au cours de cette période, elle effectue divers stages médicaux auprès des clientèles marginalisées, ici et à l’international, stages qui lui font réellement prendre conscience de la voie qui s’offre à elle si elle veut avoir une pratique qui englobe les soins à la personne dans son entièreté.  Afin d’accroitre son exposition clinique aux clientèles les plus vulnérables, elle entame sa résidence en médecine de famille au CLSC des Faubourgs à Montréal.  Les PREMs la dirigent ensuite vers Rouyn-Noranda où elle a une pratique générale.  Elle revient par la suite à Montréal et y pratique plus particulièrement auprès des clientèles en situation de précarité depuis.  Elle a complété tout récemment une maitrise en santé publique.

Pour Dre Goyer, les principaux défis sont de demeurer bon et à jour dans tous les domaines que peut couvrir la médecine de famille.  Le plus dur pour elle est aussi de prendre conscience de la façon dont sont parfois traités les patients marginalisés à l’hôpital et des préjugés à travers la communauté médicale.

Pourquoi la médecine familiale?
Comme beaucoup d’étudiants, Dre Goyer voulait tout être.  La médecine de famille était alors ce qui lui permettait de toucher à l’ensemble des volets de la médecine.  Cette pratique lui permet d’effectuer une prise en charge globale du patient, au niveau physique, bien sur, mais aussi psychologique, social et même au niveau des déterminants de la santé.  Étant donné son désir de travailler à l’international, la médecine de famille représente une option facilement exportable dans les milieux où les méthodes modernes d’investigation sont absentes, les traitements disponibles très limités et les besoins de santé divers.  Selon Dre Goyer, les patients vulnérables qu’elle traite quotidiennement sont plus difficiles à morceler parmi les spécialités dans notre système, d’où l’importance de la perspective globale qu’a le médecin de famille sur la santé de ces patients.  Enfin, la pratique générale lui permettait d’aider de façon longitudinale les patients à choisir ce qui correspond le mieux à leurs attentes et leurs besoins, différant parfois de ce que le système et les guides de pratiques officiels auraient priorisé.

vulnerables-article2Pratique actuelle
Actuellement, la Dre Goyer pratique au CHUM auprès des patients vivant avec le VIH-SIDA, hospitalisés ou en clinique externe.  Elle travaille aussi à la direction de la santé publique de Montréal, notamment au niveau du projet de services d’injection supervisée (SIS).  Elle fait de l’hospitalisation à l’hôpital Pierre-Boucher et travaille auprès des patients toxicomanes au Relais Méthadone du CRAN (Centre de recherche et d’aide pour narcomanes), un programme de traitement à la méthadone pour les clientèles en situation de précarité.  Elle s’implique aussi dans le conseil d’administration de Médecins du Monde, organisme dans lequel elle agit aussi à titre de médecin bénévole et qui intervient localement auprès des grands exclus du système de santé.  Elle participe aussi à des projets à l’international avec l’organisme notamment en Birmanie.  Elle enseigne aussi à l’université sur le VIH et la toxicomanie.  À travers cet horaire chargé, elle trouve le temps d’être maman de deux petites filles!

Pourquoi travailler avec les populations vulnérables?
Pour Dre Goyer, son profond désir d’aider l’a menée vers ces populations puisque c’est là qu’elle y a vu la plus grande souffrance.  Plusieurs facteurs l’ont touchée chez ces populations, notamment la désinsertion sociale, l’immensité des besoins, le peu de services disponibles, les préjugés véhiculés, autant dans la société que dans le milieu médical, ainsi que les inégalités dans l’accès aux soins.  Elle apprécie par ailleurs la grande reconnaissance dont font preuve ces patients qui ont des histoires de vie difficiles et le contact privilégié qu’elle peut entretenir avec eux, qui est «particulièrement vrai, franc, voire tonique!»

Formation supplémentaire
Il n’y a pas de formation supplémentaire obligatoire pour pratiquer en soins du VIH ou de la toxicomanie.  Par contre, Dre Goyer conseille d’y faire des stages car ce sont des maladies assez complexes.  Toutefois, il y a une formation nécessaire à l’obtention d’un permis de prescription de la méthadone.

Défi
Pour Dre Goyer, les principaux défis sont de demeurer bon et à jour dans tous les domaines que peut couvrir la médecine de famille.  Le plus dur pour elle est aussi de prendre conscience de la façon dont sont parfois traités les patients marginalisés à l’hôpital et des préjugés à travers la communauté médicale.

Qualité
Pour Dre Goyer, les qualités nécessaires à un médecin quel qu’il soit sont, dans le domaine des soins aux personnes marginalisées, d’autant plus importantes : un grand humanisme, de la patience, un intérêt marqué pour les gens et une bonne capacité d’adaptation.  Elle note aussi l’importance d’être confortable avec l’art de la médecine et non seulement la science, c’est-à-dire qu’il faut parfois être capable d’adapter les lignes directrices et modifier nos soins afin de prendre en compte la situation parfois complexe du patient.

Techno
Dre Goyer utilise un iPad et un Iphone dans sa pratique.  Elle utilise notamment plusieurs applications très spécialisés en VIH.  Elle dit aussi fréquemment utiliser des références telles Uptodate et le Lanthier, pour la médecine interne. Elle conseille aussi l’application Docguide.com, qui fournit une revue des articles que les autres médecins ont trouvés intéressants et utiles dans la spécialité de son choix.

Avenir
L’avenir dans ce domaine de pratique est assuré. Les besoins sont constants et très importants. Cependant, il n’est pas toujours aisé d’y obtenir un poste. Selon elle, nous sommes très peu informés sur ces clientèles dans notre curriculum de formation médicale et certains hésitent à s’y lancer.

En terminant, Dre Goyer nous dit que «les clientèles vulnérables sont hyper intéressantes médicalement aussi bien que psychosocialement et nous permettent d’agir à tous les niveaux de la santé et de pratiquer une médecine globale où l’art côtoie la science.»

equipe-samuel-signatureSamuel Caron
Université Laval                      

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