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Médecin de la trousse

Médecin de la trousse

Médecin de la trousse, une option intéressante!

La médecine familiale, de par son large spectre d’interventions, permet une variété de pratique sans pareille. Le parcours de Dre Christine Daigle, médecin de famille en Outaouais, illustre bien les diverses possibilités qu’offre la médecine familiale et nous fait découvrir un facette plutôt méconnue, soit la trousse médico-légale.

Petite biographie professionnelle

Christine Daigle, après avoir complété un Baccalauréat en Biologie à l’Université du Nouveau-Brunswick, cherche à réorienter son choix de carrière dans un domaine répondant à sa curiosité intellectuelle, son désir d’entrer en contact avec les gens et de construire des relations interpersonnelles. En plus de répondre à ces attentes, la médecine lui permet de réaliser un défi personnel. C’est alors qu’elle débute ses études en médecine à l’Université de Montréal en 1985. Elle choisit de s’inscrire à la résidence en médecine familiale à l’Université McGill en 1990 de façon à s’orienter vers une pratique plus générale, qu’elle pourra par la suite moduler selon ses intérêts et les besoins de la population. Débutant sa pratique à l’Hôpital de Gatineau, elle découvre alors la région de l’Outaouais où elle travaille toujours aujourd’hui. À la fin de sa résidence, elle se joint à la clinique médicale St-Alexandre.

Ses 13 premières années en tant que médecin de famille se traduisent surtout par le suivi de clientèle au bureau et de l’hospitalisation. Lors des cinq premières années, elle fait également de l’obstétrique et s’oriente par la suite vers les soins palliatifs et ce, pour une durée de six ans. En 2005, elle réoriente sa pratique pour des raisons familiales et s’affilie alors au CLSC de Hull. C’est à ce moment qu’entre en jeu la trousse médico-légale. Aujourd’hui, elle sépare ses heures de pratique entre la clinique d’immigration du CLSC et la clinique médicale de St-Alexandre et ce, en plus d’être médecin de garde pour la trousse.

La trousse médico-légale, un processus d’intervention multidisciplinaire

À ses débuts au CLSC en 2005, l’une des responsabilités était de faire partie de l’équipe de garde pour la trousse médico-légale. Cette trousse consiste en fait en un outil utilisé lorsqu’une personne victime d’agression sexuelle de plus de 13 ans se dévoile et ce, dans les cinq jours suivants cette dite agression. Elle est alors orientée à l’urgence de l’hôpital la plus près où un intervenant la rejoint afin d’entamer l’intervention psychosociale. Dans la région de l’Outaouais, les intervenantes du CALAS, soit le Centre d’Aide et de Lutte Contre les Agressions Sexuelles, accompagnent les femmes ayant subi une agression sexuelle tandis que le Centre d’Aide 24/7 offre le soutien psychosocial aux hommes qui en sont victimes. En plus du soutien émotionnel, les intervenants évaluent le désir de la victime à porter plainte immédiatement ou dans un délai de 14 jours, étape nécessaire pour réaliser la trousse.

Cette trousse contient un ensemble de documents dont le consentement aux prélèvements et examens ainsi qu’un questionnaire complet concernant l’agression sexuelle. Tous les examens, prélèvements, observations et particularités liés au questionnaire y doivent également être consignés. Une copie de cette documentation reste dans le dossier du patient à l’hôpital tandis que les autres sont acheminées, avec l’ensemble des prélèvements, au poste de police de la région pour analyse ultérieure au laboratoire judiciaire. De ce fait, la trousse comprend aussi tous les instruments relatifs aux prélèvements de liquides biologiques et aux examens médicaux, de même que tout matériel nécessaire à la collecte d’éléments qui pourraient éventuellement servir de preuves, tels que les vêtements, serviettes hygiéniques, etc.

Pour faire suite au processus d’intervention, une fois le désir de porter plainte et de réaliser la trousse médico-légale confirmés par le patient, l’intervenant contacte une infirmière d’Info-Santé qui se charge de communiquer avec le médecin de garde. Celui-ci doit par la suite se rendre, dans un délai d’une heure, dans le centre hospitalier en question. Une fois sur les lieux, le médecin échange avec l’intervenant qui lui donne un bref résumé de la situation et il rencontre ensuite la victime. Il écoute attentivement le récit de l’agression et évalue la nécessité de procéder à l’exécution de la trousse. Il est bien important, dans ce processus multidisciplinaire, que chaque intervenant connaisse bien son rôle ainsi que les indications de procéder à la trousse médico-légale afin d’éviter de signaler le médecin dans une situation pour laquelle la trousse n’est pas indiquée. Une fois les besoins établis, on procède à la trousse.

En plus d’effectuer l’ensemble du questionnaire, prélèvements et examens physiques relatifs à la dite trousse, le médecin évalue et traite les blessures s’il y a lieu et procède aux examens de dépistage des ITSS (infections transmissibles sexuellement et par le sang). Il évalue également le risque de grossesse et prescrit la pilule du lendemain si besoin il y a. Il verra également à l’état émotif du patient et prescrira les médicaments appropriés au besoin. D’une durée moyenne de deux heures, l’intervention effectuée par le médecin se finalise une fois la trousse et autres examens complétés. L’intervenant se chargera de l’acheminer aux policiers qui la conserveront alors au poste en attente d’analyse. Les organismes assureront également un suivi psychosocial auprès de la victime.

En ce qui concerne le suivi médical, si le patient a un médecin de famille, le suivi sera alors assuré par celui-ci. Le cas échéant, le médecin de la trousse doit assurer un suivi de deux à trois semaines plus tard afin de répéter les examens de dépistage des ITSS et d’évaluer l’état général du patient. Il est également possible de référer le patient à la clinique SIDEP (services intégrés de dépistage de prévention des ITSS) où le suivi est assuré par une infirmière et un médecin partenaire.

Ce long processus d’intervention démontre l’implication de plusieurs acteurs. En plus du médecin de la trousse, les intervenants psychosociaux, les infirmières de l’urgence du centre hospitalier et d’Info-Santé ainsi que les policiers y jouent un rôle essentiel. Il devient donc nécessaire de conduire des réunions multidisciplinaires afin d’établir des protocoles d’intervention. Au CLSC, un seul médecin désigné est tenu de participer à ces réunions et en transmet l’information à ses confrères. Lorsque de nouveaux médecins se joignent à l’équipe, des séances de formation sont également tenues concernant la trousse médico-légale et les différents protocoles l’entourant.

Médecin de garde pour la trousse : les implications

Tel qu’indiqué précédemment, lors des débuts de Dr Daigle au CLSC, la garde pour la trousse était obligatoire. Il n’est est plus de même aujourd’hui. En effet, seulement deux postes sont offerts dans la région de l’Outaouais sous la forme de demi-AMP. Tous les autres médecins sont de garde sur une base volontaire. La garde implique d’être disponible une semaine complète, 24heures sur 24. La fréquence varie selon le nombre de médecins. Ainsi, comme il y a cinq médecins de la trousse en Outaouais, Dr Daigle est de garde une semaine sur cinq. On s’imagine alors qu’un inconvénient lié à la garde serait bien évidemment une diminution du nombre de médecins et ainsi, une augmentation de la fréquence de garde.

Bien que le nombre d’interventions se situe en moyenne à une ou deux par semaine, le fait de devoir être disponible en tout temps demande beaucoup d’organisation autant au niveau familial que professionnel puisque la pagette peut tout de même sonner en tout temps. Aussi, la durée des interventions est toujours dépendante du cas et est, de ce fait, imprédictible. Ainsi, un support au niveau familial et une certaine malléabilité au bureau sont nécessaires. Malgré l’inconvénient qu’implique la garde, être médecin de la trousse est essentiel puisque, comme dit Dr Daigle : « Ça répond à un besoin dans la région et c’est une façon de contribuer à sa communauté ». Le médecin de la trousse permet aussi d’alléger la tâche des urgentologues en s’occupant des cas d’agression sexuelle qui demandent un temps considérable. Effectivement, « Ces patients vivent un moment difficile dans une situation où ils sont très vulnérables. On se doit d’accompagner les victimes en prenant tout le temps nécessaire pour écouter et bien conduire l’intervention. Certaines histoires sont très bouleversantes pour le médecin, très tristes. D’où le besoin de contribuer, d’accompagner le patient dans une phase de son cheminement.» explique Dr Daigle.

Médecin de la trousse, pourquoi pas?

Les étudiants ou résidents qui veulent travailler au niveau communautaire et au sein d’une équipe multidisciplinaire pourraient bien apprécier l’intervention particulière qu’est celle de la trousse médico-légale. L’empathie, l’écoute active et l’ouverture d’esprit sont bien évidemment des qualités requises au bon déroulement de l’intervention. Comme le souligne Dr Daigle, des situations particulières liées à l’abus de substances et autres comportements à risque sont parfois rencontrées, d’où la nécessité d’être ouvert et exempt de jugement. Également, la population en santé mentale et de ce fait, doublement marginalisée, est surreprésentée dans les cas d’agression sexuelle. Dr Daigle rappelle que lors de toutes interventions : « Il est toujours important de garder en tête que la personne est dans un état vulnérable. »

Elle invite les intéressés à vérifier le fonctionnement concernant la garde pour la trousse dans leur région respective. Elle les encourage également à accompagner un médecin afin d’en vivre l’expérience.

Le conseil de la fin

Dr Daigle conseille de savoir faire la coupure, de savoir se détacher des situations professionnelles. « Une vie à l’hôpital, une vie à la maison. Cela est applicable dans toutes les sphères de la médecine. » dit-elle. De cette façon, bien que des situations difficiles puissent être rencontrées dans le contexte de la trousse médico-légale ou autre, l’on sait toujours être professionnel et apte à accomplir et poursuivre d’autres activités.

Josiane Simard, GIMF de l’UdeM
Anciennement intervenante du CALAS de l’Outaouais

Référence
CALACS, Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel. (2010-2011). Intervention médicosociale. Consulté le 13 juillet 2012.


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